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Rohingyas : « Une intervention internationale ferait le jeu de l’armée birmane »

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propos recueillis par Dorian Malovic pour

  La Croix
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Qui peut intervenir dans le drame des Rohingyas en Birmanie ? L’avis de Sophie Boisseau du Rocher, chercheur associé au Centre Asie de l’Ifri.

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Dans ce dossier très complexe des Rohingyas, il faut avant tout éviter une diplomatie de l’émotion. Il n’y a pas des bons d’un côté et des méchants de l’autre, car c’est un problème qui remonte à des siècles, bien avant la colonisation britannique, qui a été exacerbée par ces mêmes Britanniques, et qui resurgit à présent avec toutes ses dimensions : identitaire, politique et sécuritaire. Ces réfugiés, les Rohingyas, sont là depuis des générations, éléments flottants de l’histoire, des premiers royaumes, de la colonisation, de l’indépendance de la Birmanie mais aussi du Bangladesh. Au fil des siècles, cette population n’a jamais été reconnue. Et le problème ne peut se régler rapidement et dans l’agitation, d’autant que nous ne sommes pas en Birmanie dans un contexte de démocratie, mais bien dans une transition démocratique encadrée et surveillée par l’armée birmane.

Par ailleurs, les Rohingyas ne sont qu’un problème parmi d’autres que connaît la Birmanie. À ce titre, aux yeux d’Aung San Suu Kyi, c’est un problème marginal. Car se pose pour elle, derrière ces tensions, la pérennité de la démocratie. L’armée n’attend actuellement qu’une erreur de sa part pour reprendre le pouvoir, et elle ne se prive pas d’exacerber la situation sur le terrain, afin d’essayer de montrer qu’Aung San Suu Kyi ne peut régler le problème.

Cette dernière n’a que très peu de marge de manœuvre. Elle pourrait montrer une certaine compassion pour les Rohingyas. Mais elle n’est pas une femme de compassion. Cependant elle n’est pas naïve. Prise en tenaille, elle sait qu’un génocide lui ferait perdre son contrat démocratique. C’est le grand risque actuel.

Une intervention internationale ne pourra que faire le jeu de l’armée birmane, qui aura beau jeu de mettre en avant « l’atteinte à l’identité nationale » et de se positionner en rempart contre les ingérences extérieures. En coulisses, le grand voisin chinois n’attend, lui, qu’une dégradation de la situation et une intervention de l’armée pour restaurer à terme des relations plus faciles qu’avec Aung San Suu Kyi…

Le sentiment nationaliste n’a cessé de croître ces dernières années en Birmanie, qui s’inspire du bouddhisme et dont les non-Birmans sont étrangers. C’est un fil rouge de haine qui est en train de se structurer et qui aura des conséquences politiques.

Une seule personnalité me paraît susceptible d’entrer en jeu pour calmer la situation : le général Thein Sein, qui fut président de la Birmanie de 2011 à 2016 et qui a mené la transition démocratique. Il est à la retraite aujourd’hui, mais il demeure très influent, et pourrait parvenir à mettre en œuvre un processus de réconciliation nationale avant une intervention de l’ONU, dans un second temps.

À retrouver sur La Croix.fr

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Sophie BOISSEAU du ROCHER

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Ancienne Chercheuse associée, Centre Asie de l'Ifri