Royaume-Uni : 5 minutes pour comprendre les expulsions de migrants vers le Rwanda
En avril dernier, Londres a signé un accord avec Kigali permettant l’expulsion des demandeurs d’asile présents illégalement au Royaume-Uni vers le Rwanda. Ce mardi soir, la cour européenne des droits de l’Homme a bloqué au dernier moment le départ du premier avion.
C’est un coup d’arrêt pour le gouvernement britannique. Ce mardi soir, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a bloqué in extremis le départ du premier avion qui devait quitter le Royaume-Uni vers le Rwanda et qui transportait sept migrants.
L’instance européenne, située à Strasbourg, a demandé que la justice britannique tranche sur la légalité de ce projet de loi qui prévoit l’expulsion de demandeurs d’asile présents au Royaume-Uni vers le Rwanda, quel que soit leur pays d’origine. Un accord auquel le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés et de nombreuses ONG s’opposent.
La CEDH a décidé d’empêcher l’expulsion d’un migrant irakien à travers une mesure d’urgence provisoire, clouant l’avion au sol. « La CEDH a estimé que cela affectait la situation de l’ensemble des migrants concernés et a donc bloqué le renvoi de l’ensemble des personnes », explique William Julié, avocat notamment spécialisé sur la question des droits de l’Homme.
Que dit l’accord ?
Le 14 avril, le Rwanda annonce avoir signé un accord avec Londres pour une durée de cinq ans. Celui-ci doit permettre au gouvernement de Boris Johnson de renvoyer des demandeurs d’asile arrivés illégalement sur le sol britannique, quel que soit leur pays d’origine, vers le Rwanda, pays d’Afrique de l’Est situé à plus de 6 000 km du Royaume-Uni.
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Le Royaume-Uni financera cet accord à hauteur de 144 millions d’euros (120 millions de livres sterling).
Quel est l’objectif britannique ?
Cet accord vise à réformer un « système d’asile cassé », a assuré la ministre britannique de l’Intérieur Priti Patel.
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Pourquoi le Rwanda accepte-t-il l’accord ?
La porte-parole du gouvernement rwandais Yolande Makolo a affirmé que le Rwanda serait « heureux » d’accueillir « des milliers de migrants ». « Nous sommes en train d’aider », a également justifié le président rwandais Paul Kagame.
Pour Thierry Vircoulon, chercheur associé au centre Afrique subsaharienne de l’IFRI, il existe deux raisons principales. « Il y a évidemment un intérêt financier pour le Rwanda. Ensuite, il y a l’argument politique. Cela leur permet d’avoir un levier d’action sur les gouvernements qui veulent mettre en œuvre une telle politique », avance-t-il.
« Le Rwanda apparaît ainsi comme un pays d’Afrique qui apporte des solutions aux problèmes européens. C’est important pour son image politique », estime-t-il. Cet État est régulièrement critiqué par des ONG, qui l’accusent de réprimer la liberté d’expression et l’opposition politique.
Est-ce légal ?
La ministre de l’Intérieur britannique Priti Patel a rappelé ce mardi soir qu’elle ne sera pas découragée de « faire ce qu’il faut et de mettre en œuvre [les plans britanniques] pour contrôler les frontières » du Royaume-Uni.
Mais la question de la légalité n’est pas encore parfaitement tranchée. Vendredi 10 juin, la Haute Cour de justice de Londres a autorisé l’expulsion de migrants vers le Rwanda. Ce lundi, ce sont les tribunaux britanniques qui ont rejeté un recours en urgence déposé par des ONG telles que Care4Calais.
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Sur le plan international, des doutes subsistent également. « La légalité du renvoi d’une personne ailleurs que dans le pays dont il a la nationalité en échange d’argent me semble tout à fait contestable », estime William Julié. « Le problème étant que les pays d’origine de certains demandeurs d’asile sont en guerre, comme la Syrie », ajoute-t-il.
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