Sanctions économiques : la Russie résiste, mais jusqu’à quand ?
Bruno Lemaire avait prévu un effondrement de l’économie russe face aux sanctions occidentales. Aujourd’hui, près d’un an après le début de la guerre, ce scénario ne semble pas se vérifier. Comment l’expliquer et combien de temps la Russie peut-elle encore tenir ?
Économie russe : l’effondrement attendu n’a pas eu lieu
D'après Julien Vercueil, “la Russie s’est fait du mal en attaquant l’Ukraine. Le président Vladimir Poutine a pris une décision, qui du point de vue économique, est une décision totalement irrationnelle. Il y a ensuite toute une série de sous-décisions qui sont prises et n’affectent pas la Russie autant qu’on aurait pu l’imaginer.”
Malgré la réorientation des flux de pétrole vers l’Asie, “ce n’est pas tout à fait un jeu à somme nulle”, estime Tatiana Jean, qui relativise “les capacités d’absorption des marchés asiatiques. Surtout si on parle des pipelines. Il y en a moins qui relient la Russie à l'Asie, alors que l’Union Européenne pesait autrement dans ces revenus de la rente énergétique russe. L’économie russe a plutôt bien tenu et c’est intéressant de constater que les considérations économiques n’ont pas pesé dans la décision de Poutine”, conclut-elle.
La Russie s'adapte
Malgré les sanctions, la Russie semble s’adapter aux conséquences directes et indirectes de la guerre en Ukraine.
Tatiana Jean souligne qu’il y a aujourd'hui en Russie, “un discours politique qui consiste à dire que, maintenant que l’on est débarrassé de la dépendance à l’égard des pays occidentaux, on va pouvoir se développer, se moderniser.” La directrice du Centre Russie / NEI à l'IFRI “voit très mal comment les choses vont pouvoir se faire dans ces conditions difficiles. Si un “succès partiel par secteur” semble possible, Tatiana Jean doute de la possibilité “d’un effet systémique de modernisation”.
Julien Vercueil confirme que les effets des restrictions sur les composants occidentaux sont limités. Il note que “dans un certain nombre d’ogives de missiles, retrouvés en Ukraine, on trouve 60 % de composants occidentaux.” Le professeur considère que “cette dépendance n’est pas prête de se terminer”.
Les entreprises françaises peuvent-elles se permettre de rester en Russie ?
“On avait pensé début 2022 que l'économie européenne entrerait éventuellement en récession à la fin de l’année 2022. Là encore, les prévisions se sont trouvées fausses”, rappelle Julien Vercueil. “On a connu une croissance 2.6 % pour la France, dans le contexte d’une baisse de la consommation énergétique, et électrique. On n'avait jamais connu ça historiquement” Pour le professeur, c’est la preuve “qu’en France aussi, on s'adapte”.
Cependant, s’il y a “environ 1000 entreprises qui ont annoncé leur départ de Russie”, il ne faut pas oublier ”les entreprises qui sont restées. Pour un certain nombre d’entreprises françaises, le discours de justification est de plus en plus difficile à tenir. C’est le cas en particulier pour la grande distribution. Ceci étant dit, ce n'est jamais facile pour un Conseil d’administration de faire accepter une perte sèche…“
“Pour un certain nombre d'entreprises qui sont installées en Russie, le départ à un coût considérable”, indique Tatiana Jean. “Certains restent parce qu'ils fournissent les produits de premiers besoins aux russes, mais c’est difficile de ne pas être impliqué d’une manière ou d’une autre dans la politique du gouvernement russe. C’est ce qui est arrivé à Auchan". Pour conclure, “ces entreprises ont le choix entre les avantages économiques et les répercussions sur leur réputation…”
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