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Droit international public

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Corps analyses

Publié aux éditions Dalloz dans la collection 'HyperCours–Cours, documents, exercices', ce manuel, s’il est avant tout un outil pédagogique, retiendra l’attention des spécialistes par le regard très actuel qu’il porte sur une discipline dont l’auteur admet d’entrée qu’elle est aujourd’hui encore contestée dans son existence même.
Certes, l’ouvrage est destiné aux étudiants et, fidèle à l’esprit de la collection, sa charpente est solide: les analyses, associant toujours la théorie et la pratique, s’appuient sur de nombreux documents extraits pour la plupart de la jurisprudence et de la diplomatie, débouchant sur des corrigés correspondant à des sujets de dissertations et, dans l’esprit du temps, à de simples questionnaires. La réussite d’Emmanuel Decaux tient ici à ce que le lecteur présumé, qui devra s’être armé de bonnes connaissances historiques et philosophiques, ne s’ennuiera jamais tant les développements ont su garder dans leur forme écrite le frémissement du cours ex cathedra.
Le plan d’ensemble correspond ainsi, moins à une présentation purement descriptive de la matière qu’à la tentative, non sans risque, de figurer la dynamique d’un mouvement de l’histoire dont la finalité est postulée en principe. A 'La formation du droit international' succède ainsi 'L’organisation de la société internationale', puis 'La recherche d’un ordre international', avec le règlement pacifique des différends et l’encadrement du recours à la force, la conclusion elle-même n’en étant pas vraiment une –comment pourrait-il en être autrement dans une situation aussi instable que la nôtre aujourd’hui?– mais plutôt le choix d’esquisser 'Une mondialisation du droit' à laquelle répond en écho 'Le droit de la mondialisation', hommage à la prospective des Nations unies avec leurs déclarations et leurs forums 'du Millénaire', et référence obligée aux enjeux du développement durable.
On peut parier que les étudiants intéressés par la société internationale liront l’ouvrage avec passion, la technique juridique dans ce qu’elle peut avoir parfois de décourageant pour le néophyte étant ici, qu’il s’agisse des réserves aux traités, de la responsabilité, de la personnalité juridique, de la succession d’Etats ou de bien d’autres questions, toujours coulée dans le bronze de l’analyse politique –seule véritable référence d’un droit en perpétuel devenir. C’est peut-être en même temps la limite de l’exercice, car la logique juridique de chaque institution n’apparaîtra pas forcément à travers des évocations souvent subjectives.
Quelle vision du droit international public est finalement privilégiée? L’auteur reste prudent et, s’il laisse apparaître son choix, c’est fondamentalement celui d’un volontarisme tempéré à la façon d’un Léon Bourgeois. L’ombre portée du jus cogens imprègne bien des développements du fait même d’une attitude pour le moins réservée de la France, qui s’est abstenue de ratifier la Convention de Vienne de 1969 pour cette raison. Rappelons que le problème fait périodiquement l’objet de questions orales au Parlement, et suggérons à cet égard que les réponses rituelles du Quai d’Orsay soient reprises dans une édition ultérieure au titre des documents proposés au lecteur.
De même, les événements récents, en particulier les attentats du 11 septembre et leurs conséquences, sont largement évoqués, ce qui redoublera l’intérêt des étudiants. Les analyses paraîtront parfois stéréotypées. Est-il absolument établi que 'le Congrès des Etats-Unis, tout en acceptant l’accord [créant l’OMC], entend[e] que l’Organe de règlement des différends donne raison aux Etats-Unis et menace de revoir sa participation à l’OMC en cas de désaveux répétés' (p. 295)? Ce n’est pas ce que semble indiquer la pratique depuis l’entrée en vigueur des accords de Marrakech. De même, si l’on soutient que 'les Etats-Unis, qui sont désormais la seule superpuissance, à la fois écrasante et vulnérable, tendent à mêler l’isolationnisme dominateur' –qu’entendre au demeurant par là?– 'et l’unilatéralisme égoïste dans tous les domaines', encore faudrait-il argumenter dans le détail, ce qui n’est pas le cas, au risque d’alimenter un anti-américanisme systématique qui est, pour l’heure, à l’origine de bien des simplifications caricaturales.
L’ouvrage d’Emmanuel Decaux, par sa méthode, ses références, ses réflexions est, il est vrai, dans une bonne tradition franco-française: on ne lui en fera pas grief tant celle-ci a pu briller de tous ses feux. Elle n’est pas pour autant exempte de contradictions, qui sont aussi celles de l’auteur: dans un monde hypothéqué par Big Brother, les Etats resteraient pourtant les 'maîtres du jeu', devant orienter le droit international par de nouveaux engagements et l’infléchir par de nouveaux précédents. L’aperçu a au moins l’avantage de se terminer par une formule frappante et pertinente: 'Le droit international ne fait que renvoyer aux Etats leur propre image.'
C’est peut-être ici que le bât blesse: si le droit international, dans bien des domaines techniques, s’applique quotidiennement sans véritable difficulté –Paul Valéry, plusieurs fois cité, aimait à dire que le droit international est 'le langage des Etats'–, lorsque ces derniers n’ont pas seulement à s’entretenir du quotidien mais à défendre becs et ongles leurs intérêts vitaux, existe-t-il encore? Il est à craindre que non et que, dès lors, la scène internationale n’apparaisse que comme un théâtre d’ombres où les vrais acteurs, dotés de la puissance, s’avancent masqués de leurs principes pour mieux atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés à travers une dramaturgie tragique qu’ils entendent maîtriser de bout en bout. De la sorte, les polémiques, évoquées au début du livre, sur l’existence même du droit international resteront encore longtemps d’actualité, et il vaudrait peut-être mieux ne pas le cacher aux juristes en fleur.

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