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L'Europe de nos volontés

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Le malaise de la gauche face à l’Europe est l’écho d’un malaise français plus général. Contestation du colbertisme traditionnel du pays, difficulté à investir sans arrière-pensée dans le développement d’une Europe qui témoigne de l’affaissement de la puissance française, au sens historique du terme, tout en refusant de la remplacer, positionnement ambigu face à la 'mondialisation' telle que pensée à l’américaine, pusillanimité face aux crises concrètes comme l’a nettement démontré l’après-11 septembre: tout explique le caractère avorté et confus du débat dans le pays.
La France ne sait pas l’Europe qu’elle veut. Nous voulons une Europe démocratique mais sans identifier clairement le ou les niveaux de production nécessaires de cette démocratie. Nous voulons une Europe sociale sans nous aviser vraiment de ce que le fameux 'modèle social européen' s’incarne, sur une matrice commune, de différentes façons dans chacun de nos pays. Nous voulons une Europe puissance, mais en nous gardant de lui donner les moyens de cette puissance... Revenons donc, proposent les auteurs, au propos fondateur: l’Europe peut être vue comme une 'force de paix, incarnation d’un modèle de société, laboratoire de relations internationales, acteur mondial'. Si, à la limite, la plupart des Etats membres peuvent se reconnaître dans ce constat programmatique, c’est le processus même qui semble en panne, au-delà des doutes français, et qui doit être relancé face à trois échéances majeures: la consolidation de l’euro, les élargissements à venir, et les problématiques de sécurité. Rien ne sera automatique dans aucun de ces domaines, et surtout pas le lien euro/développement de politiques économiques coordonnées –tout dépendant de la conception du rôle de la monnaie sur lequel on s’accordera ou non entre Européens. Il faut donc en revenir au politique et aux propositions.
L’essentiel du texte de MM. Lamy et Pisani-Ferry est consacré à la description d’un chantier européen privilégiant huit objectifs: réussir l’élargissement, approfondir la démocratie européenne, faire émerger une politique économique commune, développer le concept de développement durable, définir l’Europe sociale, réformer la PAC, construire l’espace judiciaire, et faire de l’Union un acteur international. Sur chacun de ces objectifs, les propositions sont nombreuses, et très concrètement articulées entre les nécessaires changements de l’architecture institutionnelle et les choix politiques. Plus on avance dans un texte dense et plus, au demeurant, la nécessité d’une 'constitutionnalisation' de l’Union apparaît claire, quelle qu’en soient la forme… ou le nom: re-hiérarchisation des institutions, des modes de fonctionnement, des normes juridiques, définition des espaces politiques respectifs des institutions et de la société civile, etc.
Chacune de ces propositions mérite attention et discussion. On regrettera néanmoins les limites du développement consacré à l’Union 'acteur international'. Les échéances sont-elles trop lourdes dans ce domaine ou apparaissent-elles au moins en partie hors champ: les mesures proposées ne paraissent guère à la hauteur des événements (attribution à la Commission d’un statut de négociateur exclusif pour tout ce qui touche à l’organisation de la mondialisation, représentation unifiée de la zone euro auprès des instances internationales spécialisées, mise en place de consulats communs dans les grandes villes, accélération du processus de Barcelone...)? Sur ce dernier point, on aurait apprécié quelques développements. Car c’est aussi l’une des spécificités de l’Europe que de tenter de penser ses rapports avec ses environnements stratégiques de manière organisée et différenciée. Il est donc crucial d’analyser les difficultés de la dynamique de Barcelone, qui ne renvoient évidemment pas toutes à l’effet de blocage du conflit israélo-palestinien. Sans doute la configuration stratégique de l’après-11 septembre invite-t-elle aussi à poser de manière nouvelle l’ambition d’une Europe de la sécurité, incluant une Europe de la défense, le thème n’est ici que mentionné.
Il reste que ces huit chantiers sont bien les interpellations pertinentes, celles qui conditionnent l’avance ou le blocage de la marche européenne. Chacun sait que les années à venir seront essentielles: pour la définition d’un projet européen adapté à une période neuve, et simplement pour l’appréciation de sa viabilité. Ces pages éclairent l’ampleur du débat nécessaire –ce débat capital dont on constate qu’il fut tristement absent des discours de notre année électorale.
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L'Europe de nos volontés, de L'Ifri par
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