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Afghanistan : l'aide internationale en débat

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Afghanistan : l'aide internationale en débat
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Avec le printemps, les travaux de reconstruction de routes et d'immeubles ont repris à Kaboul, donnant de la capitale l'image d'une ville active et entreprenante. La vague de retour des réfugiés est venue gonfler la population citadine - autour de 3 millions d'habitants - et les structures d'accueil manquent. Le quotidien n'est plus celui de la terreur et des attentats suicides à l'explosif : Kaboul n'est pas Bagdad. Certes, le territoire n'est pas totalement pacifié et le Sud - notamment les provinces de Kandahar, Helmand et Zabul - reste le théâtre d'attentats et d'accrochages meurtriers réguliers entre des éléments rebelles, néo-talibans ou autres groupes maffieux liés à la drogue, d'une part, et les forces de sécurité afghanes ou celles de la coalition multinationale, d'autre part. Mais la plupart des Afghans reconnaissent que la situation présente est sans commune mesure avec les violences subies pendant 25 années de guerre.

La situation économique et sociale s'est aussi améliorée. Le produit intérieur brut (PIB) lié aux activités légitimes a progressé, même si la production d'opium représente environ 60 % du " PIB illicite ". Le gouverneur de la banque centrale d'Afghanistan a indiqué que le revenu annuel par habitant atteindrait 335 dollars en 2006. En 2005, il était de 293 dollars. Le pays reste cependant l'un des plus pauvres au monde et un Afghan sur deux vit avec moins de 2 dollars par jour. En outre, le gouvernement ne finance ses dépenses qu'à hauteur de 30 % et il sera vraisemblablement incapable de s'autofinancer pendant des années. Les fonctionnaires figurent parmi les salariés les moins bien payés, ce qui entraîne des phénomènes préoccupants de corruption. De fait, les entrepreneurs privés, qui sont les premiers acteurs du développement économique de l'Afghanistan, critiquent l'arbitraire de responsables et fonctionnaires locaux corrompus et jugés incompétents alors qu'ils s'accommodent de la violence des réseaux illégaux néo-talibans ou autres affidés d'Al-Qaida.

Accéder à un emploi pour faire vivre sa famille et financer l'éducation des enfants demeure toutefois l'aspiration principale de tout Afghan. C'est également l'objectif de la communauté internationale alors que la lutte contre le terrorisme passe aussi par la lutte pour la prospérité, la reconstruction du pays et la mise en valeur de son capital humain et social - une ambition jugée tout aussi importante que le maintien de la sécurité. Mais la distribution de l'aide internationale fait débat. Elle suppose, entre autres, une relative transparence dans l'utilisation des 5 milliards de dons promis lors de la conférence de Londres en janvier 2006. Le sentiment largement partagé qu'une partie de l'aide n'est pas destinée aux Afghans mais à des organismes intermédiaires ou officines de sous-traitance, dont il faut payer le personnel, les frais de fonctionnement et autres dépenses courantes - aspirant de fait une grande partie des fonds alloués -, contribue à alimenter les critiques locales.

Le corollaire de la présence de fonctionnaires internationaux et autres expatriés est la hausse des prix des loyers dans la plupart des grandes villes afghanes, dont Kaboul. Les disproportions flagrantes entre le salaire des employés afghans de ces organisations internationales et les revenus du reste de la population accroissent le questionnement de la population sur les organisations non gouvernementales (ONG) et, par extension, sur le sens de la présence étrangère. À titre d'exemple, un enseignant afghan du secteur public perçoit un salaire de 50 à 100 dollars, lorsqu'un chauffeur-interprète travaillant pour une organisation internationale peut percevoir jusqu'à 500 dollars. La communauté internationale concourt ainsi, malgré elle, à la mise en place d'une situation potentiellement dangereuse. Confrontée à la flambée des prix, une partie de la classe urbaine afghane éduquée vivote, entre misère et paupérisation, en dépit d'une aide internationale massive. Animée par l'incompréhension, la frustration et un sentiment d'exclusion, elle constitue un terreau facile pour des groupes extrémistes, tel le groupe islamiste radical Hezb-e-Islami, qui ont démontré leur capacité à exploiter les ressentiments. Le danger réside, à terme, dans la constitution d'une opposition néo-conservatrice, hostile à la présence et à l'influence occidentales - ce qui réduirait à néant les efforts de la communauté internationale ainsi que le pari fait, depuis 2001, sur l'avènement d'une " démocratie à l'afghane ".

 

Marianne Peron-Doise est chargée de cours à l'Inalco.

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