Rechercher sur Ifri.org

À propos de l'Ifri

Recherches fréquentes

Suggestions

Cancun : l'Union européenne n'a pas les moyens de ses ambitions

Éditoriaux
|
Date de publication
|
Référence taxonomie collections
Édito Énergie
Image de couverture de la publication
Cancun : l'Union européenne n'a pas les moyens de ses ambitions
Accroche

Texte publié dans La Tribune du 3 décembre sous le titre "Cancun : l'Europe ne donne pas l'exemple".

Parce qu’elle a porté le protocole de Kyoto sur les fonts baptismaux, l’UE peine à renoncer au " leadership " de la lutte contre le changement climatique. Mais alors que s’ouvre la conférence de Cancun et près de 20 ans après Rio, il est temps de comparer ses ambitions et ses réalisations. L’UE se félicite de son choix des 3*20 qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20%, l’amélioration de l’efficacité énergétique de 20% et l’augmentation à 20% de la part des énergies renouvelables dans sa consommation finale d’énergie, par rapport à 1990, année de référence. Mais un examen attentif met en évidence le manque de cohérence des actions européennes.

Corps analyses

L’objectif portant sur les énergies renouvelables concerne en grande partie la production d’électricité. La décarbonization du secteur électrique peut engendrer de fortes réductions d’émissions. Le potentiel hydraulique étant limité, l’effort porte principalement sur le développement de l’éolien et sur celui du photovoltaïque, sachant dans ce dernier cas que sa contribution sera encore relativement faible en 2020. Néanmoins l’absence de stratégie de développement de ces nouvelles formes d’énergie menace les bénéfices qu’elles pourraient amener.

Le déploiement de l’énergie éolienne se heurte à deux problèmes : le réseau électrique et son coût. Les lignes de transmission permettraient de transporter l’électricité produite par les éoliennes souvent loin du réseau et des centres de consommation. La construction de lignes haute tension exige des compromis entre toutes les parties prenantes dans un contexte où l’opinion publique réagit très vivement à tous types d’infrastructure " intrusive ". Ces compromis amènent la plupart du temps à des modifications de conception qui augmentent les coûts et se traduisent par des retards importants. On a coutume de dire qu’il faut 10 ans pour construire une ligne haute tension dont 8 pour trouver un agrément. Si tous les états membres développent les capacités éoliennes à l’aune des objectifs qu’ils se sont fixés, pour certains très ambitieux, il semble peu probable que le réseau électrique européen soit capable d’acheminer l’électricité produite par les éoliennes terrestres et en mer d’ici 2020. Par ailleurs, les investissements indispensables dans les capacités d’interconnections, viendront s’ajouter à des tarifs d’achat élevés et à une incitation à produire de l’électricité y compris dans des conditions non concurrentielles. Le consommateur européen devra in fine en supporter le coût et la poursuite aveugle des développements actuels risquent de mettre à mal sa bonne volonté. La revue à la baisse des tarifs d’achats en Espagne, Allemagne et en France semble indiquer que l’on s’est mis dans une situation où l’on n’est plus sûr de pouvoir développer ces énergies de manière rationnelle que ce soit au niveau national ou européen.

Des trois objectifs européens, celui portant sur l’efficacité énergétique est le seul non contraignant. Pourtant, l’amélioration de l’efficacité énergétique représenterait près de la moitié des réductions d’émissions nécessaires d’ici 2050 dans le monde et ce à un moindre coût. Tout porte à croire que cet objectif ne sera pas réalisé à l’échéance 2020.

L"UE pourra se consoler en mettant en avant le relatif succès de la réduction des émissions. Relatif, car ce bon résultat est une conséquence de la crise économique et provient de l’externalisation dans les pays émergents d’une partie des réductions d’émissions. En valeur absolue et sur le sol européen, les tendances montrent que l’on est encore loin de sa réalisation d’autant que la diminution des émissions issues de la consommation d’énergie est lente. Ceux qui militent pour 30% de réduction ne tiennent pas compte de la réalité économique.

L"UE et ses Etats membres, en concentrant une grande partie de leur effort sur l’éolien, courent le risque de négliger les autres réservoirs de réductions d’émissions. Dans un contexte de crise l’occasion est trop belle de défendre LA solution qui permettrait de créer des emplois verts tout en participant à la lutte contre le changement climatique. Les politiciens surfent sur l’engouement de l’opinion publique qui favorise les énergies " propres ". Elles sont pourtant loin d’être les seules réponses à la réduction des émissions de GES qui devrait rester l’objectif essentiel. Sans même parler de la question du nucléaire qui demeure taboue au niveau européen, l’efficacité énergétique reste le parent pauvre des politiques nationales.

Si l’Union Européenne entend regagner une position de leader dans la lutte contre le changement climatique, il est urgent qu’elle envisage une approche coordonnée et rationnelle du développement des énergies renouvelables au niveau européen et qu’elle considère plus sérieusement le potentiel d’autres sources de réduction d’émissions. C’est à ces seules conditions qu’elle pourra offrir un modèle crédible et moteur.

 

Decoration

Contenu disponible en :

Partager

Decoration
Auteur(s)
Image principale
Énergie et Climat
Centre énergie et climat
Accroche centre

Le Centre énergie et climat de l’Ifri mène des activités et recherches sur les enjeux géopolitiques et géoéconomiques des transitions énergétiques. Il travaille à la fois sur les enjeux de sécurité énergétique, de compétitivité, de maîtrise des chaînes de valeur, et d'acceptabilité. Spécialisé dans l’étude des politiques européennes de l’énergie et du climat, et des marchés de l’énergie en Europe et dans le monde, ses travaux portent aussi sur les stratégies énergétiques et climatiques des grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. Il offre une expertise reconnue, enrichie de collaborations internationales et d'événements à Paris et à Bruxelles, notamment.

Image principale

Les marchés du carbone peuvent-ils faire une percée à la COP29 ?

Date de publication
30 octobre 2024
Accroche

Les marchés volontaires du carbone (MVC) ont un potentiel élevé, notamment pour réduire le déficit de financement de la lutte contre le changement climatique, en particulier en Afrique.

Image principale

Le secteur électrique indien à la croisée des chemins : relever les défis des distributeurs d'électricité

Date de publication
15 octobre 2024
Accroche

Le secteur électrique indien a besoin d’une réforme urgente.

Image principale

L’approvisionnement énergétique de Taïwan : talon d’Achille de la sécurité nationale

Date de publication
22 octobre 2024
Accroche

Faire de Taïwan une « île morte » à travers « un blocus » et une « rupture de l’approvisionnement énergétique » qui mènerait à un « effondrement économique ». C’est ainsi que le colonel de l’Armée populaire de libération et professeur à l’université de défense nationale de Pékin, Zhang Chi, décrivait en mai 2024 l’objectif des exercices militaires chinois organisés au lendemain de l’investiture du nouveau président taïwanais Lai Ching-te. Comme lors des exercices ayant suivi la visite de Nancy Pelosi à Taipei en août 2022, la Chine avait défini des zones d’exercice faisant face aux principaux ports taïwanais, simulant de fait un embargo militaire de Taïwan. Ces manœuvres illustrent la pression grandissante de Pékin envers l’archipel qu’elle entend conquérir et poussent Taïwan à interroger sa capacité de résilience.

Image principale

La difficile réorganisation des chaînes de valeur des matières premières critiques – regards sur les politiques européennes de réduction des risques

Date de publication
30 septembre 2024
Accroche

La demande de matières premières critiques devant, au minimum, doubler d’ici 2030 dans le contexte des politiques actuelles de transition énergétique, la concentration des approvisionnements en matières premières critiques (MPC) – et plus encore, des capacités de raffinage – dans une poignée de pays est devenue l’une des questions fondamentales au sein des discussions internationales, bilatérales et nationales. La position dominante de la Chine et les contrôles successifs des exportations de MPC (récemment le germanium, le gallium, les technologies de traitement des terres rares, l’antimoine) indiquent une tendance à l’instrumentalisation des dépendances critiques.

Comment citer cette étude ?

Image de couverture de la publication
Cancun : l'Union européenne n'a pas les moyens de ses ambitions
Cancun : l'Union européenne n'a pas les moyens de ses ambitions, de L'Ifri par
Copier