L'Afrique du Sud en péril ? Une analyse d'économie politique
Le président Jacob Zuma a remplacé son respecté ministre des Finances, Pravin Gordhan, le 30 mars 2017. Il s’agit de la seconde tentative en deux ans (cette fois-ci réussie) de mettre à ce poste clé un responsable « conciliant » avec les projets du président.
La conséquence immédiate de ce remaniement ministériel a été l’abaissement de la note de la dette sud-africaine au statut « junk » par Standard & Poor’s et Fitch. Malgré de nombreux appels à démissionner, le président Zuma semble sortir renforcé, en partie grâce à la mobilisation de soutiens disparates. L’Afrique du Sud se trouve néanmoins dans une situation très délicate tant d’un point de vue économique que social.
Afin d’éclairer la crise actuelle, il convient de revenir sur la dégradation marquée des rapports sociaux depuis 1994, avec une montée de la contestation « par le bas » qui a culminé avec l’expulsion du principal syndicat métallurgiste, National Union of Metal Workers of South Africa (NUMSA), du Congress of South African Trade Unions (COSATU) en 2015. Nous développerons l’argument selon lequel l’impasse sud-africaine est la conséquence de l’adoption de politiques néolibérales masquées par une rhétorique prétendant que la croissance et la réduction de la pauvreté sont au cœur du projet gouvernemental. La République d’Afrique du Sud (RSA) ne peut cependant en aucun cas être considérée comme un État développeur, au sens des « tigres » est-asiatiques, et a connu un changement structurel négatif pour la croissance (caractérisé par un processus de désindustrialisation précoce). Nous discuterons également le constat d’une montée des inégalités depuis les années 1990, invalidant l’idée chère à l’ANC selon laquelle le pays cherche à émuler le modèle nord-européen d’État-providence. Dans un contexte de chômage structurel extrêmement élevé, la principale source de solidarité est privée, et est constituée par les transferts entre ménages. L’adoption d’un salaire minimum national de 3 500 rands par mois (environ 250 euros), qui devrait entrer en vigueur en 2018, constitue une avancée positive, quoique peut-être trop tardive. En effet, les conséquences d’une croissance faible et de l’accumulation des frustrations depuis 1994 pourraient bien précipiter le pays dans une grave crise politique et économique.
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