Un an après sa création, une Alliance des États du Sahel qui se cherche
Créée le 16 septembre 2023, l’Alliance des États du Sahel, conçue comme une entraide militaire, n’a pas réussi à enrayer, en dépit du renfort de mercenaires russes, la poussée des groupes djihadistes qui ont tué au moins 2 050 civils. Côté économique, le Mali, le Niger et le Burkina Faso renforcent leur intégration.
Il y a un an jour pour jour, le 16 septembre 2023, les nouveaux dirigeants putschistes du Mali, du Burkina Faso et du Niger lançaient l’Alliance des États du Sahel (AES), en signant la charte du Liptako-Gourma (région transfrontalière à cheval sur les trois pays).
Quelques semaines après le coup d’État au Niger du 26 juillet 2023, et tandis que la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) menaçait d’intervenir pour rétablir le président légitime Mohamed Bazoum, les trois États dissidents se promettaient assistance, « y compris par l’emploi de la force armée ». « Toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité du territoire de l’un des pays membres » serait « considérée comme une agression contre les autres », prévoyait ainsi la charte du Liptako-Gourma.
« Alliance de faiblesse »
Une entraide militaire qui vise aussi à combattre les groupes armés qui sévissent au Sahel. Un an après, le bilan est mitigé. « Avec trois armées en grande difficulté sur leur territoire, c’est forcément une alliance de faiblesse », explique Alain Antil, directeur du centre Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
60 % du territoire du Burkina Faso et 50 % de celui du Mali échappent au contrôle de l’armée régulière, contre 40 % en 2021, selon l’ONG Acled. Des attaques djihadistes ont lieu presque chaque semaine. Entre janvier et juin, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’État islamique au Grand Sahara ont tué 11 200 personnes, dont au moins 2 050 civils.
Partenariat privilégié avec Moscou
Malgré quelques éléments disparates, la coopération sécuritaire face au « terrorisme » demeure cosmétique. Ainsi, « lorsque l’armée malienne a repris Kidal aux forces touarègues dans le Nord, il y avait un ou deux drones de l’AES de manière symbolique », détaille Alain Antil. Ce sont les mercenaires de Wagner, désormais rebaptisé « Africa Corps », qui ont apporté leur appui. Si Bamako est précurseur dans la relation avec la Russie, ses alliés lui ont emboîté le pas. C’est vers Moscou que Ouagadougou s’est tourné en décembre 2023 pour réorganiser son armée.
Plus inattendue, la Turquie a, elle aussi, accru ses livraisons d’équipements aux trois États, notamment de drones de combat Bayraktar.
L’intégration plus poussée voulue par le Mali, le Burkina Faso et le Niger a aussi un volet diplomatique et économique, acté par la signature de la confédération des États du Sahel, le 6 juillet dernier à Niamey. Les trois pays, qui ont quitté la Cedeao en janvier, ont annoncé leur volonté de frapper une monnaie commune, en lieu et place du franc CFA, considéré comme héritage de la politique coloniale française honnie, au risque de faire grimper en flèche l’inflation. Pour l’heure, ils demeurent dans l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine), ce qui leur garantit une stabilité monétaire et une capacité d’emprunt dans la sous-région.
Le colonel malien Assimi Goïta a encore élargi le spectre, en affirmant dimanche que « la création d’une banque d’investissement et d’un fonds de stabilisation » était « en cours ». Il a également promis la mise en place d’une chaîne d’information commune, alors que les trois putschistes ont largement censuré la liberté de la presse. « On est de plus en plus aveugle sur ce qui se passe au Sahel, faute de pouvoir aller sur le terrain. Les régimes cherchent à maîtriser les narratifs », déplore Alain Antil.
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« On est de plus en plus aveugle sur ce qui se passe au Sahel, faute de pouvoir aller sur le terrain. Les régimes cherchent à maîtriser les narratifs »
Directeur du Centre Afrique subsaharienne de l'Ifri
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