Afghanistan : Les doutes d'un expert francais consulté par le général McChrystal
Pour qui pourrait encore douter de la complexité de l'opération internationale menée en Afghanistan, les impressions livrées par l'expert français Etienne de Durand, qui a fait partie cet été du groupe d'analystes consultés par le général américain Stanley McChrystal, commandant de la force de l'OTAN à Kaboul, offrent un plongeon dans un dossier à bien des égards inextricable.
Pendant plusieurs semaines, afin de préparer son rapport sur la stratégie à meneren Afghanistan, remis récemment à Barack Obama, le général McChrystal a recueilli des avis de spécialistes, la plupart militaires, et américains. Mais figuraient aussi dans le groupe quelques civils, et Européens, parmi lesquels Etienne de Durand, directeur des études de sécurité et de défense à l'Institut français des relations internationales (IFRI).
Difficile de dire ce que le général McChrystal aura retenu exactement de ces consultations. Son rapport est confidentiel. Nul ne sait, à ce stade, si M. Obama accordera le renfort supplémentaire de troupes que le général, un as des forces spéciales, aurait réclamé.
C'est un aspect décisif pour la suite des événements, souligne Etienne de Durand, qui raconte que la majorité des experts consultés par le général McChrystal penchait pour un tel "surge", en plus d'une accélération de la formation des forces afghanes. M. Obama se décidera-t-il vite ? Pour des raisons logistiques, un nouveau déploiement de troupes américaines prendrait environ six mois. Pour faire sentir ses effets en 2010, année électoralement importante aux Etats-Unis, le renfort devrait donc être lancé dès maintenant.
Projections culturelles
C'est cette articulation entre le contexte politique dans les pays de la coalition, les rapports entre Etats alliés, et les choix opérationnels sur le terrain, qui semble maintenant peser fortement sur le dossier afghan, relève Etienne de Durand. L'analyste français ne cache pas ses doutes sur certains des choix effectués. D'abord, l'imposante opération américano-britannique lancée cet été dans la province du Helmand, dans le sud, est-elle si judicieuse que cela ? Peut-être pas, si l'on songe à l'hostilité des populations pachtounes à toute présence occidentale, quels que soient parfois les apports de la réconstruction.
Par ailleurs, faute de troupes en nombre suffisant pour sécuriser le pays (il aurait fallu pour cela environ 400 000 hommes, contre 100 000 aujourd'hui), la coalition internationale devra concentrer ses efforts sur certains axes routiers et centres urbains. L'idée figure, semble-t-il, dans le rapport du général McChrystal. Mais en quoi, alors, le Helmand répond-il a ces critères ? Ce choix semble avoir relevé avant tout d'un souci américain de rassurer le fidèle allié britannique en difficulté, et d'envoyer en parallèle un fort message de lutte contre le trafic de drogue, thème porteur auprès des opinions publiques.
De même, Etienne de Durand conteste-t-il l'idée, très en vogue côté américain, que les problèmes en Afghanistan sont imputables surtout à la corruption dans l'entourage de Hamid Karzaï, où à ses accointances sulfureuses. Un faux débat, juge ce chercheur. En faisant ce procès à M. Karzaï, les Occidentaux minent leur propre appui dans le pays et projettent leurs propres conceptions culturelles, inadaptées à la réalité afghane "qu'il faut prendre telle qu'elle est". Le débat sur l'Afghanistan n'est pas fini.
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