Bélarus-Pologne : les raisons d'une inquiétude internationale
Cette crise inédite sur un nouveau front inquiète l’Europe et les États-Unis, et amplifie les tensions avec le camp pro-russe. Une nouvelle forme de guerre froide où l’"arme" migratoire est volontairement utilisée par le Bélarus.
Comment faut-il nommer les événements qui se déroulent depuis quelques jours à la frontière Bélarus-Pologne? Crise migratoire ou crise (géo)politique? La forte militarisation de cette région (15 000 soldats et agents de sécurité massés par la Pologne, par exemple) aux frontières de l’Europe n’incite pas forcément à l’apaisement, pas plus qu’à l’optimisme.
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Questions à Matthieu Tardis. Chercheur, Centre migrations et citoyennetés de l'Institut français des relations internationales (IFRI)
Un tel évènement aux frontières de l'Europe de l'Est était-il envisageable?
Matthieu Tardis : C'est une crise géopolitique et tout sauf une crise migratoire. Au niveau géopolitique, il y a des intérêts divergents des deux côtés de la frontière, avec un jeu même à plusieurs bandes, avec l'Union européenne et la Russie, dans lequel s'inscrit la politique migratoire. On ne constate pas un afflux massif comme en 2015. Par le nombre et les circonstances, ce n'est pas la même chose. A l'époque, des centaines de milliers de personnes ne constituent pas une menace.
Le Bélarus exerce-t-il un chantage avec ces migrants à sa frontière?
Matthieu Tardis : Oui, ces personnes sont devenues un objet d'instrumentalisation par des régimes dictatoriaux comme la Russie, mais la Turquie le fait également, ou le Maroc en mai dernier. Cela montre que ces régimes ont bien compris que le sujet de l'immigration était le point faible de l'Union européenne. Les tensions constatées en 2015 au sein de l'UE ne sont pas du tout réglées, voire sont plus exacerbées aujourd'hui. Donc la responsabilité de gestion des flux migratoires a été déléguée aux pays tiers qui nous entourent (Turquie, Maroc, Libye). On leur confie une partie de notre souveraineté parce qu'on n'arrive toujours pas à s'entendre sur une politique commune d'asile et d'immigration.
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