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A Berlin, le début de la fin du chacun pour soi

Interventions médiatiques |

cité par 

  Johanna Luyssen
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De nombreux économistes et politiques allemands plaident pour des coronabonds à l’échelle européenne. « Nous sommes une communauté de destin. C’est ce que l’Europe doit prouver maintenant, en cette période de pandémie.» 

Contenu intervention médiatique

 

Le discours d’Angela Merkel, jeudi matin devant le Bundestag, était particulièrement solennel. Surtout, a poursuivi la chancelière, l’Allemagne doit être prête, « dans un esprit de solidarité », à des « contributions beaucoup plus importantes » au budget de l’Union européenne face au coronavirus. Ce discours intervenait jeudi, juste avant le sommet des Vingt-Sept où la chancelière a réitéré son « nein » à la mutualisation des dettes. Mais si le gouvernement allemand parle d’une seule voix en matière de solidarité européenne, dans le pays, une autre musique se fait entendre. On l’a particulièrement vu fin mars, où des économistes de toutes obédiences se sont mis à prôner le recours aux « coronabonds ». Dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, une tribune signée par sept économistes de renom affirmait que « les forts doivent aider les faibles », ajoutant : « C’est le moment où la communauté de destin, si souvent invoquée, doit montrer ce qu’est l’Europe. »

Dans un texte publié mi-avril par le Spiegel intitulé « Nous mourons tous seuls », l’économiste Henrik Enderlein, directeur de l’Institut Jacques Delors de Berlin, a lui aussi des mots très durs envers l’Allemagne, dont il déplore le manque d’«engagement clair à penser d’abord européen, et non au niveau national ». « Le message politique reste fatal, écrit-il. La politique européenne de crise du coronavirus jusqu’à présent n’est rien d’autre que la poursuite de la vieille politique de crise de l’euro, axée par la pensée technocratique et la méfiance. Mais la technocratie est l’ennemie de la signalisation politique claire, et la méfiance la plus grande ennemie de l’intégration politique. L’Europe se négocie elle-même dans sa propre inutilité ».
 
Chez les politiques aussi, un autre discours se fait entendre. De l’ancien ministre des Affaires étrangères Sigmar Gabriel à l’ex-président du Bundestag Norbert Lammert, en passant par le co-chef des Verts Robert Habeck, bien des politiques se sont dit eux aussi favorables aux « coronabonds », tranchant singulièrement avec la doctrine gouvernementale. Il en va, argumentent-ils, de la survie même de l’Europe. Ces débats, d’une intensité inédite outre-Rhin, ont un effet sur les discussions en cours. Pour autant, les Allemands ne sont pas encore prêts à briser tous les tabous. 
 

« Sur la question budgétaire, on peut dire que les lignes bougent légèrement, estime Paul Maurice, chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa), à l’Ifri. Lorsque Angela Merkel dit que l’Allemagne va contribuer davantage au budget européen, même Friedrich Merz, qui incarne pourtant une frange très libérale de la CDU (l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne), est d’accord ». 

Pour autant, les Allemands ne sont pas encore prêts à briser tous les tabous. 

 « Ils restent opposés à l’idée de la mutualisation des dettes, poursuit le chercheur. Pour des raisons très diverses, et notamment de culture politique, voire d’histoire politique. Là-dessus, le consensus reste large. Cela restera une ligne rouge ».

 

>> Voir l'article sur le site de Libération et paru dans le n°12094-Version Papier du 25 et 26 avril 2020, p. 11 <<

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Paul MAURICE

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