Birmanie : sous la contrainte, la junte lâche du lest
Pressée par les Occidentaux, l’Asean a décidé de ne pas inviter le général putschiste Min Aung Hlaing aux sommets de ses dirigeants des 26 et 28 octobre. Le régime a libéré 5 600 détenus, lundi 18 octobre.
Conséquence directe de la décision de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) de ne pas inviter le général putschiste birman Min Aung Hlaing à plusieurs sommets à la fin du mois, le régime militaire birman a libéré, lundi 18 octobre, 5 600 personnes détenues depuis le coup d’Etat, dont 4 300 faisaient l’objet de poursuites. Au moins 16 journalistes et 24 artistes seraient parmi elles.
Une vidéo diffusée par l’agence Associated Press montrait des scènes de joie, lundi soir, devant le portail de la prison d’Insein, à Rangoun, quand un bus jaune en est sorti et que des prisonniers ont retrouvé leurs proches. Cette libération a été accompagnée d’un avertissement : ceux qui commettent de nouveau un délit verront réinstaurer les charges initiales qui pesaient contre eux.
L’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP) birmans, installée en Thaïlande, comptabilisait jusqu’ici 7 355 personnes en détention et affirme « être en train de vérifier » le nombre de détenus politiques relâchés. « Lors des deux précédentes “libérations de masse”, en avril et en juin, le nombre réel a été inférieur à celui annoncé, le processus n’a jamais été transparent », nous explique un représentant.
L’Asean, qui regroupe dix pays, avait annoncé le 15 octobre, lors d’une réunion d’urgence de ses ministres des affaires étrangères, que le Myanmar (nom officiel de la Birmanie) ne serait pas représenté par une « personnalité politique » au sommet annuel du 26 octobre, organisé en visioconférence par Brunei, et au sommet d’Asie de l’Est du 28 octobre – rendez-vous qui associe, en plus des dirigeants de l’Asean, ceux de la Chine, de l’Inde, du Japon, de la Russie, de l’Australie et des Etats-Unis.
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Pour Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (IFRI), « le mépris cinglant de Min Aung Hlaing pour les efforts de l’Asean a été d’autant plus mal perçu que les pays occidentaux ont fait pression à l’ONU, et que les membres de l’association ont besoin d’eux pour sortir du marasme économique dû au Covid, et ne pas tomber dans des circuits de dépendance à l’égard de la Chine ». Les Etats-Unis, qui ont envoyé une délégation dans la région le 17 octobre, menée par le conseiller du département d’Etat Derek Chollet, ne cessent, avec le Japon et l’Union européenne, d’aiguillonner en coulisses l’Asean sur la Birmanie. « La pression était très forte et le coût diplomatique devenait trop élevé », explique l’experte, pour qui « l’organisation et ses membres restent fondamentalement dans une impuissance originelle du fait de leurs propres faiblesses et incapacités ».
Le mépris cinglant de Min Aung Hlaing pour les efforts de l’Asean a été d’autant plus mal perçu que les pays occidentaux ont fait pression à l’ONU, et que les membres de l’association ont besoin d’eux pour sortir du marasme économique dû au Covid, et ne pas tomber dans des circuits de dépendance à l’égard de la Chine. Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse à l’Institut français des relations internationales
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Depuis l’appel à la résistance armée du NUG le 7 septembre, l’armée birmane fait face à des attaques sur plusieurs fronts, et subirait des défections accrues dans ses rangs. Pour Mme Boisseau du Rocher, « l’autre facteur qui a pesé dans la décision de l’Asean, c’est la reconnaissance de l’échec de ce coup d’Etat et des risques croissants de guerre civile. Les multiples initiatives du NUG en coulisses finissent aussi par porter des fruits ».
L’autre facteur qui a pesé dans la décision de l’Asean, c’est la reconnaissance de l’échec de ce coup d’Etat et des risques croissants de guerre civile. Les multiples initiatives du NUG en coulisses finissent aussi par porter des fruits. Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse à l’Institut français des relations internationales
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