Birmanie, un tournant dans la lutte armée face à la junte militaire au pouvoir ?
La semaine dernière, une alliance de groupes armés du nord de la Birmanie a mené une offensive d’ampleur dans l'État de Shan, près de la frontière chinoise. Elle dit s’être emparée de villes et avant-postes militaires, qui sont autant de lieux stratégiques pour le commerce chinois.
Est-on face à un tournant dans les affrontements entre les groupes ethniques et la junte militaire au pouvoir depuis 2021 en Birmanie ?
La Birmanie : une mosaïque de groupes ethniques
La diversité ethnique est l’une des caractéristiques principales de la Birmanie : plus de 135 ethnies officielles sont reconnues au sein de la Constitution.
« C’est un sujet excessivement sensible depuis l’indépendance en 1946. L'armée attise d'ailleurs souvent les différences entre les ethnies pour justifier son maintien au pouvoir. Depuis le coup d’État de 2021, ces ethnies décident néanmoins de travailler ensemble contre la junte au pouvoir », explique la politiste et chercheuse de l’Ifri Sophie Boisseau du Rocher.
Les groupes rebelles qui ont lancé cette offensive réclament davantage d’autonomie ainsi qu’un meilleur accès aux ressources de leurs territoires.
Une armée divisée
Que peut-on alors imaginer pour la suite ?
Selon Sophie Boisseau du Rocher, « il est très compliqué de le dire pour l’instant. La junte s’enferme actuellement dans un scénario de violence. Ce qu’on constate depuis sa prise de pouvoir, c’est un maintien de cette violence à un niveau assez élevé. On assiste à des déplacements de population impressionnants, donc la situation est délicate. Ce qui est intéressant, c’est que l’armée n’est pas véritablement unifiée. Il y a des bataillons entiers qui refusent de servir ».
En effet, les redditions se multiplient : l’armée n’a plus accès aux ressources locales et certains bataillons vivent sans nourriture ni munitions. Le face à face tourne ainsi à l'avantage des groupes ethniques, à moins que l’armée ne se fasse aider par un partenaire extérieur important, d’après la chercheuse.
La junte est-elle menacée par cette crise ?
Si la junte au pouvoir bénéficie de multiples atouts et n’a pas joué toutes ses cartes, « le problème est qu’elle ne propose pas de solutions politiques depuis qu’elle a pris le pouvoir en 1962 ». Sophie Boisseau du Rocher estime toutefois qu'il semble impensable que certaines ethnies nouent des accords avec les pays environnants :
« On parle de groupes ethniques qui ne dépassent pas les quelques millions. Il n’y a pas de mouvements indépendantistes. En revanche, il y a des mouvements autonomistes. Si elles ne trouvent pas leur place, ces ethnies vont lancer un combat contre gouvernement central, mais sans véritablement lutter pour l’indépendance ».
>> Retrouvez l'entretien original sur le site de France Culture
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