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Cyberattaques russes : "accuser Moscou pour le dissuader"

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  L'Express
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Plusieurs pays occidentaux ont accusé la Russie de cyberattaques. Le chercheur Julien Nocetti y voit un "choix politique". L'offensive est inédite. Les États-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Canada se sont coordonnées jeudi pour accuser les services de renseignement militaire russes d'être derrière une myriade d'attaques informatiques ces derniers mois. Ils ont été soutenus par l'Union européenne, l'OTAN, ainsi que par la France, tard jeudi soir.

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De l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) au Pays-Bas, à l'Agence mondiale anti-dopage (AMA) basée à Montréal, en passant par des médias ou encore l'aéroport d'Odessa et le métro de Kiev en Ukraine, la liste des griefs attribués au GRU, le service de renseignement de l'armée russe, est longue. 

Pour Julien Nocetti, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri), spécialiste de la Russie et des questions de cybersécurité, ces accusations procèdent avant tout d"un choix politique" des Occidentaux. 

Cette offensive groupée des Occidentaux, qui ont publié des résultats d'enquête et attaqué frontalement la Russie, est-elle surprenante ?  

Julien Nocetti. Les accusations contre la Russie sont nombreuses depuis plusieurs mois de la part des Occidentaux, mais la situation de jeudi est particulière par le nombre de pays qui se sont coordonnés pour formuler ces mises en cause. 

Ces dernières n'ont toutefois rien de surprenant : l'hostilité entre Russie et Etats-Unis est établie, le Royaume-Uni est également très remonté contre Moscou, encore plus depuis l'affaire Skripal, tout comme les Pays-Bas, qui estiment avoir subi une forme d'interférence de la Russie lors du référendum de 2016 sur un éventuel accord d'association de l'Union européenne avec l'Ukraine. Les accusations de jeudi sont, pour eux, une forme de réplique à une menace identifiée. 

Ces accusations groupées montrent-elles une recrudescence des attaques russes ?  

Remonter l'origine d'une cyberattaque est un processus techniquement très compliqué. Attribuer une cyberattaque à un pays procède donc surtout d'un choix politique, qu'il faut envisager dans sa dimension dissuasive.  

Je pense qu'il s'agissait avant tout pour les Occidentaux, notamment les Européens, de faire passer un message à un peu plus de 6 mois des élections européennes de mai 2019. 

Ce n'est pas un hasard si le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a publié un communiqué virulent jeudi alors que c'est une façon de réagir qu'on lui connaît assez peu.  

Que sait-on des capacités russes en matière de cyberattaque ? 

Peu de choses. Ce qui est sûr, c'est que la tendance mondiale est au renforcement de telles capacités, et que si les Etats-Unis sont les leaders incontestés dans ce domaine, la Chine et la Russie figurent juste derrière.  

On ne sait pas quelles attaques sont menées par la Russie, mais il est certain qu'elle en mène et, ce faisant, elle contribue à alimenter la course au cyber-armement, qui constitue une ressource importante pour Moscou. Mener des cyberattaques, c'est une façon asymétrique de répondre à des provocations de ses rivaux de façon moins coûteuse qu'avec des moyens militaires conventionnels. 

Sans compter que ce sont des actions dont il est difficile d'identifier l'auteur, et auxquelles il est délicat de riposter sans risquer d'affecter l'ensemble du réseau internet, donc une bonne partie de l'activité économique internationale. 

Le Royaume-Uni a pointé le rôle du GRU, dont les Etats-Unis ont arrêté plusieurs membres, tandis que d'autres ont été expulsés des Pays-Bas. Ce service semble moins connu que le FSB, quel est son poids en Russie ?  

Un véritable jeu d'appareils en Russie sous-tend aussi ces affaires. Le GRU est la Direction générale des renseignements de l'état-major des forces armées, qui dépend du ministère de la Défense. Historiquement, c'est l'autre "grand" service de renseignements avec l'ex-KGB - devenu FSB -, d'où est issu Vladimir Poutine, et il existe une forte rivalité entre les deux qui joue encore à plein aujourd'hui. 

C'est notamment vrai sur les capacités cybernétiques, qui sont une véritable ressource dont les deux services se disputent le contrôle. Il semble que depuis l'annexion de la Crimée en 2014 et l'intervention russe en Ukraine, le GRU ait acquis une forme de leadership en la matière, ce qui suscite une forme de jalousie du FSB. 

Comment interpréter la réaction de la France, qui a tardé à joindre sa voix à celle de ses alliés jeudi ?  

Paris, qui dispose d'importantes capacités de cyberdéfense, est toujours très prudent et se montre généralement réticent à attribuer des cyberattaques directement à la Russie. Etant donné les clauses de solidarité qui lient la France à ses alliés de l'OTAN, la diplomatie française n'avait pas d'autre choix que de formuler son soutien. Reste à savoir si Paris et Berlin mettront aussi en place des formes de dissuasion verbale dans les semaines et mois qui viennent. 

 

Lire l'interview sur le site de L'Express

 

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Julien NOCETTI

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