Daech est-il en voie d'expansion en Afrique ?
Le groupe État islamique a revendiqué ce 18 avril 2019 une attaque dans l’est de la RDC, à la frontière avec l’Ouganda. Une première sur le sol congolais. Une revendication surprenante pour Thierry Vircoulon, spécialiste des questions de sécurité en Afrique subsaharienne. Et si sur le continent, Daech n'était qu'une simple franchise pour toute contestation religieuse armée en manque de visibilité, comme le groupe État islamique en Afrique de l'Ouest ? Entretien.
TV5MONDE : Comment interprétez-vous cette revendication par Daech de l'attaque contre une caserne des Forces armées de la République du Congo, les FARDC ?
Thierry Vircoulon : Il y a surtout une logique d'opportunisme de la part de Daech. Daech réagit à l'intervention du président congolais Felix Tshisekedi, affirmant dernièrement son soutien aux Etats-unis contre le groupe Etat islamique. C'est une forme de réponse politique de Daech à Tshisekedi. Les ADF (Forces alliées démocratiques), soupçonnées d'être à l'origine de l'attaque, n'ont rien à voir avec Daech (ndlr : les ADF n'ont pas revendiqué cette attaque).
Les ADF sont un groupe né dans les années 90 bien avant le 11 septembre 2001. Leur histoire n'est pas liée à celle de Daech. Les ADF, issues de membres de la secte tabligh (ndlr : mouvement musulman puritain né dans les années 1920) se sont surtout formées contre le régime de Musevini en Ouganda.
Peut-on parler de djihadisme à l'est de la RDC ?
C'est totalement exotique. Rien ne le prouve. Il n'y a pas d'éléments qui permettent de l'affirmer. Cela n'existe pas. Cette zone frontalière entre l'Ouganda et la RDC est surtout travaillée par des vélléités d'autonomie. (ndlr : En novembre 2016, une cinquantaine de personnes auraient été tuées lors d'une confrontation avec les forces ougandaises qui ont arrêté le roi du Rwenzori à Kasese, accusé de préparer une révolte).
Des organisations comme "l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest", dissidence de Boko Haram ou "L'EI dans le Grand Sahara" sont affiliées à Daech. Que signifie cette allégeance ?
Daech est un label tout comme Al-Qaïda. Il permet à ces organisations de formaliser quelques fois des revendications qu'ils n'arrivent pas à formuler eux-mêmes. Daech propose une forme de prêt à penser pour ces groupes. L'appartenance à Daech ou Al-Qaïda sert également à mieux communiquer, se faire connaître. Mais les revendications de ces groupes restent essentiellement locales. Leurs actions sont motivées par des conflits aux racines locales.
L'appartenance à Daech permet aussi à un chef de guerre d'entrer par exemple en dissidence. C'est le cas d'une faction dissidente de Boko Haram. C'est le cas aussi au Sahel (ndlr : avec le groupe EI dans le Grand Sahara entré en rupture avec AQMI, Al-Qaïda au Maghreb islamique).
L'ONU a publié un rapport en février 2019 parlant d'"emprises territoriales" de Daech dans de nombreuses zones en Afrique. Abondez-vous dans ce sens ?
Cela relève à mon sens d'une forme de construction intellectuelle. Daech ne commande pas ces groupes armés directement.
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