Des syndicats policiers réclament le soutien de l'armée
Le ministère de l’Intérieur s’inquiète de l’état de fatigue des forces de l’ordre si elles devaient faire face à un nouveau samedi d’émeutes.
C’est une «situation de très grande fatigue» à laquelle font face les forces de l’ordre. Auditionné lundi soir au débotté devant la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la gestion des émeutes parisiennes du 1er décembre, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, s’est montré inquiet quant à l’état des effectifs des policiers et gendarmes. Ce mardi matin, il recevait les organisations syndicales, place Beauvau. Au programme : l’éreintement des forces de l’ordre et la marge de manœuvre en termes d’effectifs en vue d’éventuels nouveaux heurts samedi prochain.
«Il y a un état d’épuisement et de nervosité très important, on est tous d’accord là-dessus, relève David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale. Il faut tenir toute la semaine, avec les lycéens qui se mobilisent aussi, on va pas pouvoir laisser les forces au repos.» D’autant que policiers et gendarmes ont déjà enchaîné plusieurs week-ends de mobilisation. «Le problème ne date pas du mouvement des gilets jaunes. Pour les cérémonies du 11 Novembre, par exemple, on avait déjà beaucoup de forces mobiles engagées», rappelle Philippe Capon, secrétaire général de l’Unsa police. Il assure que les forces de l’ordre vont «tenir le coup samedi prochain», mais qu’il faudra vite «réfléchir à une solution».
Au cœur des affrontements
Au menu notamment, l’hypothèse d’un déploiement de l’armée dans le dispositif de maintien de l’ordre, dans des fonctions statiques, devant les bâtiments. Cette mesure, notamment portée par les syndicats Alliance et Unité SGP - les deux plus représentatifs -, ainsi que le syndicat des cadres de la sécurité intérieure, consisterait à libérer des effectifs des forces mobiles, qui seraient alors disponibles pour aller au cœur des affrontements. «Mais que feront-ils si un bâtiment est pris d’assaut par des manifestants ?» s’interroge David Le Bars. En clair, que pourraient-ils faire à part ouvrir le feu à balle réelle ?
Contrairement aux forces de l’ordre, l’armée ne dispose que de très peu de compétences en matière de gestion des manifestations violentes.
«Gardes-barrières»
Le sujet avait été abordé récemment, à l’occasion d’un rapport parlementaire sur l’emploi des militaires sur le territoire national, dans lequel le ministère des Armées avait justement fait part de tout son scepticisme sur cette hypothèse.
- «Les militaires sont formés pour tuer, leur métier, c’est le combat létal. Du côté de l’armée, il y a la volonté d’affirmer qu’il ne faut pas amoindrir cette capacité. D’où, par exemple, leur volonté de ne pas être dotés des moyens de forces intermédiaires, comme du gaz lacrymogène ou des lanceurs de balles de défense, souligne Elie Tenenbaum, coordinateur du laboratoire de recherche sur la défense à l’Institut français des relations internationales.
- Même si une instruction ministérielle permet l’emploi de l’armée pour le maintien de l’ordre, mais dans une situation insurrectionnelle.» Cette tentation politique de faire appel aux soldats sur le territoire national s’explique aussi de façon plus pragmatique : les militaires sont corvéables à merci, le concept d’heures supplémentaires n’existe pas pour eux, à la différence des policiers.
Certains syndicats mettent par ailleurs en cause la gestion des effectifs par la préfecture de police de Paris lors des événements de samedi, concernant notamment le déploiement des unités de forces mobiles, spécialistes du maintien de l’ordre. Le préfet, sous le feu des critiques, n’était d’ailleurs pas présent, mais représenté par son directeur de cabinet. «Certains CRS ont fait gardes-barrières, et n’ont pas vu un seul manifestant de la journée», relate Philippe Capon. Autre problématique soulevée par le syndicaliste, la réduction des effectifs de ce corps de la police : «En 2010, il y avait 11 439 CRS, hors officiers. Cette année, ils ne sont plus que 10 362. En huit ans, on a donc perdu plus de 1000 CRS.» Un problème souligné par Castaner lors de son audition au Sénat qui a rappelé qu’en dix ans, les effectifs des forces mobiles étaient passés de 32 000 à 26 800.
Copyright Ismaël Halissat / Libération
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