Egypte : une constitution sur mesure pour le président Al-Sissi
Les pouvoirs du président sont étendus et un amendement allonge la durée de son mandat à la tête du pays comme sa capacité à se représenter. Les ONG dénoncent « un glissement vers une forme de totalitarisme ». Par ailleurs, les relations avec les alliés étrangers du pays se dégradent.
Alors que les manifestants au Soudan comme à Alger tentent de faire avancer leur pays vers des gouvernements de transition, la situation est radicalement différente en Egypte. La rue ne bouge pas et un Parlement aux ordres a voté mardi par 531 voix contre 22 une réforme constitutionnelle qui accroît de deux ans le mandat du président Abdel Fattah Al-Sissi afin de le prolonger de quatre à six ans, jusqu'en 2024. Avec la possibilité pour lui de se présenter pour un troisième mandat de six ans à cette date.
Un régime répressif
Le président égyptien qui a pris le pouvoir après le renversement par l'armée de l'islamiste Mohamed Morsi en 2013, a été réélu l'an dernier avec un score pharaonique de 97 % des voix. Son régime est considéré comme stable mais extrêmement répressif, « bien plus que celui de Moubarak, qui tolérait une opposition symbolique », observe Denis Bauchard, conseiller spécial à l'Institut français des relations internationales.
C'est vrai pour les islamistes comme pour les voix plus libérales. Les ONG dénoncent les tortures, les disparitions forcées et la censure des médias.
Pouvoirs accrus
Parmi les autres amendements soumis au vote, l'un octroie au président de nouveaux pouvoirs en matière de nomination des juges et des procureurs, d'autres confient à l'armée la protection de « la Constitution, la démocratie, la cohésion fondamentale du pays et sa nature civile » tandis que les compétences des tribunaux militaires sont élargies. La réforme doit maintenant être approuvée par un référendum dont la date n'a pas été fixée.
« Il ne s'agit plus d'une nouvelle étape dans la consolidation d'un régime autoritaire mais d'un glissement vers une forme de totalitarisme », a estimé Claire Talon, ex-directrice du Bureau Moyen-Orient de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) lors d'une conférence de presse mardi à Paris.
Un pays plus isolé
Le président cherche à conforter son assise dans le pays alors que le jeu d'alliances extérieures de l'Egypte est en train de bouger. Considéré jusque-là comme un allié de l'Occident pour sa détermination à vaincre le terrorisme, il est moins prisé qu'avant.
- « Les relations entre Le Caire et Washington se sont dégradées, note Denis Bauchard, en particulier avec le Congrès et les médias ».
Son récent voyage dans la capitale américaine où il a rencontré le président Trump, s'est moins bien passé que prévu. De son côté, la France voit d'un mauvais oeil son soutien au général Haftar, en train de marcher sur Tripoli dans la Libye voisine.
Le président Al-Sissi n'a pas non plus voulu entrer dans le jeu d'un « Otan arabe », sorte de coalition anti-Iran soutenue par les Etats-Unis dont l'Arabie saoudite serait le pivot. Les crispations avec l'Arabie saoudite sont notables et l'ancien maréchal se tourne maintenant vers la Russie pour ses achats d'armements alors que Riyad lui avait financé notamment l'achat de deux frégates françaises. Assumant par ailleurs la présidence de l'Union africaine, l'Egypte cherche aussi aujourd'hui à renforcer sa position sur le continent africain.
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