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Faut-il poser des conditions au versement de l’aide publique au développement ?

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propos recueillis par Nathalie Birchem pour

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Faut-il poser des conditions au versement de l'aide publique au développement? Le point de vue de Matthieu Tardis, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri)

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L’idée de conditionner l’aide publique au développement (APD), en particulier à la coopération migratoire, n’est pas une nouveauté. Depuis cinquante ans que l’APD existe, des conditions ont toujours été appliquées : il y a par exemple des critères de bonne gouvernance, pour éviter que l’aide ne s’évapore, ou des critères de solvabilité du pays car le plus souvent il s’agit de prêts à rembourser,

Quant au sujet de la coopération migratoire, il était déjà inscrit dans les accords de Cotonou entre l’Union européenne et les États d’Afrique, Caraïbes et Pacifique, qui datent de 2000. Cette tendance a été renforcée au niveau européen dans le cadre du Fonds fiduciaire pour l’Afrique, adopté au sommet de la Valette, en 2015.

Mieux surveiller les frontières

Concrètement, on demande aux pays qui bénéficient de l’aide publique au développement de mieux contrôler leurs frontières, leur état civil, et de reprendre les ressortissants de leur pays en délivrant des laissez-passer consulaires permettant leur expulsion.

Ce conditionnement comporte un risque, qui consiste à détourner l’APD de son objectif premier qui est le développement. Ainsi l’Europe aide particulièrement cinq pays qui comporte un enjeu migratoire, comme le Nigeria, le Sénégal, l’Éthiopie, le Mali et le Niger, mais elle laisse de côté des pays du sud de l’Afrique qui peuvent avoir un besoin aussi important.

Or aujourd’hui, cette politique n’a toujours pas fait la preuve de son efficacité pour restreindre les flux migratoires vers l’Europe. Elle a aussi eu un impact faible sur les capacités d’expulsions : la France a, certes, augmenté ses éloignements de 10 % l’an dernier mais la majorité ont lieu vers les pays européens.

Peu de résultats

Cette inefficacité s’explique de différentes façons. D’abord, de nombreux chercheurs ont établi que le développement conduit d’abord à augmenter la mobilité des personnes, en leur fournissant les ressources pour émigrer. Ensuite, la coopération en matière migratoire suppose que les États jouent le jeu. Or l’argent envoyé par les émigrés représente une somme beaucoup plus importante que l’aide au développement. De plus, cet argent va directement aux familles, ce qui rend l’opinion publique très sensible à cette question. Au Mali, les transferts de fonds issus de la diaspora représentent 6,8 % du PIB.

Enfin, cette conditionnalité à des critères migratoires vient contredire le principe de libre circulation que certains pays essaient de mettre en place, sur le modèle européen, dans le cadre de la Communauté économique d’Afrique de l’Ouest (Cedao) : en les incitant à surveiller leurs frontières, on leur demande indirectement de revenir sur un objectif très important pour l’économie locale.

Cet article est également disponible sur le site de La Croix

 

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Matthieu TARDIS

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Ancien responsable du Centre migrations et citoyennetés de l'Ifri