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Géopolitique et satellites à gogo : Mars nous ramène sur Terre

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interviewé par Pascal Martin pour le journal

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Perseverance va commencer l’exploration de Mars. Cet exploit a des implications terrestres très concrètes : ceux qui contrôlent l’espace seront demain les rois de la technologie et du business.

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La Nasa a réussi jeudi à poser sur Mars son véhicule Rover Perseverance après un voyage de plus de 470 millions de kilomètres effectué en 203 jours. Cet exploit va permettre à l’agence spatiale américaine de chercher des traces de vie ancienne sur la planète rouge. L’étude du sol martien est au programme ainsi que l’essai d’un hélicoptère baptisé Ingenuity qui devra s’élever dans un air d’une densité équivalente à 1 % de l’atmosphère terrestre. Mais ce n’est pas tout : la conquête de Mars aura des implications technologiques et commerciales très terre à terre, explique Eric-André Martin, le coordinateur de l’initiative de recherche sur la gouvernance spatiale européenne qui associe l’Institut français des relations internationales (Ifri) à plusieurs think tanks internationaux.

S’il fallait qualifier ce moment précis dans le contexte global de la conquête spatiale, que diriez-vous ?

Il y a une recrudescence de l’intérêt pour l’espace au niveau international. De plus en plus de pays ont adopté un programme spatial d’exploration. Ces programmes restent un vecteur de puissance à travers les différentes stratégies mises en place : quand vous maîtrisez la sortie de l’atmosphère, vous êtes aussi dans la course à la maîtrise d’un missile intercontinental. Il y a donc un renouveau qui se traduit par le rayonnement international pour les pays qui réussissent. Il faut ici noter la performance des Emirats arabes unis qui ne sont pas des acteurs traditionnels de la course à l’espace, mais qui, grâce à leur capacité à combiner différents talents dans le monde et à leurs grandes réserves financières, ont réussi à mettre en orbite martienne une sonde, ce qui est tout à fait remarquable. Cela montre l’intérêt et l’engouement pour le spatial, mais aussi l’existence d’une ouverture dans laquelle il est possible de s’engouffrer. D’où la nécessité pour les pays pionniers de l’exploration de l’espace de rester sur la brèche, avec notamment l’obligation pour les Etats-Unis de ne pas laisser la Chine seule.

Tout cela peut sembler loin des réalités de l’homme de la rue. Concrètement, que va lui apporter la conquête de Mars ?

Toutes les technologies développées dans ce contexte vont avoir un effet de « spin off » sur l’économie en général. La conquête de Mars implique des moyens techniques nouveaux et des modes de propulsion de nouvelle génération qui finiront par avoir des répercussions sur le tissu industriel. Cette vérité-là ne varie pas. Relancer la recherche et le développement pour aller plus loin, pour avoir de meilleures performances, aura d’autres conséquences sur l’aéronautique en général. Il y a également un autre élément qui n’est pas lié aux questions d’exploration, mais qui est très important en termes d’innovation : la capacité à être présent dans l’espace autonome et d’y envoyer des satellites pour constituer des constellations. Celles-ci permettront d’ouvrir de nouvelles connexions, dès aujourd’hui et cela pour les cinq prochaines années. Un peu comme ce fut le cas avec les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) pour le numérique.

Quid exactement de ces constellations et de leur rôle dans la transition numérique ?

Le mot « constellation » recouvre le déploiement de milliers de petits satellites en orbite de la Terre. Une constellation couvrira l’ensemble du globe et permettra de se connecter avec des objets au sol, y compris dans des zones peu accessibles. Demain, ces constellations pourront être mises au service d’un Etat, mais aussi d’une entreprise comme on l’a vu avec Amazon. Celui qui en disposera pourra vendre des services à des clients dans le monde entier, dans une vaste étendue de domaines : les nouvelles mobilités, l’agriculture, etc. Et lorsque vous combinez l’accès au spatial et les capacités de stockage de données comme le fait Amazon web services via le Cloud, vous avez une intégration verticale qui fait de vous un partenaire incontournable. Le spatial s’impose ainsi à ceux qui veulent être des acteurs de la transition numérique.

Le commissaire européen Thierry Breton déclare qu’il veut aller vite en ce qui concerne la mégaconstellation censée permettre à l’Europe d’accéder à internet, en gardant son autonomie et sa souveraineté face à des systèmes étrangers et privés. En réalité, l’Union européenne (UE) a un énorme retard en la matière…

Toutes ces évolutions amènent l’Europe à valoriser son expérience scientifique, existant à travers Copernicus, Galileo, etc. Mais l’Europe n’est pas aujourd’hui un acteur à part entière du numérique et n’a pas de constellation. Elle risque de prendre du retard. C’est pourquoi le commissaire Breton tente de la remettre dans la course.

 
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Éric-André MARTIN

Éric-André MARTIN

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Ancien secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'Ifri