Guerre en Ukraine : cinq questions sur la livraison d'avions de combat F-16, promise par les Pays-Bas et le Danemark à Kiev
Très attendus par Volodymyr Zelensky, ces appareils pourraient renforcer de façon décisive l'armée ukrainienne face aux lignes de défense russes. Mais leur déploiement demande au préalable une formation complexe des militaires ukrainiens.
Le soutien occidental à l'Ukraine a franchi une nouvelle étape, dimanche 20 août. Le Danemark et les Pays-Bas ont confirmé qu'ils cèderaient à l'armée ukrainienne des avions de combat F-16, de conception américaine. Il s'agirait des avions les plus perfectionnés dont disposerait Kiev pour se défendre contre la Russie. Mais leur déploiement sur le terrain reste une perspective lointaine, car il faut former les pilotes au maniement de ces nouveaux appareils. Franceinfo vous explique toutes les implications de ces annonces.
Combien de F-16 vont être envoyés à l'armée ukrainienne ?
Le Danemark fournira 19 avions de combat à l'Ukraine, selon un calendrier annoncé par sa Première ministre, Mette Frederiksen : six vers la fin de l'année, huit en 2024 et cinq en 2025. Son homologue néerlandais, Mark Rutte, s'est montré moins précis, expliquant qu'il s'entretiendrait avec ses partenaires internationaux pour décider combien d'appareils envoyer à Kiev, parmi les 42 F-16 que possèdent les Pays-Bas. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui s'est félicité sur la messagerie Telegram de s'être vu accorder l'intégralité du stock néerlandais, pourrait donc s'être trop avancé.
Le F-16 est un modèle de conception américaine. Créé dans les années 1970, il reste le plus utilisé dans le monde.
"C'est un avion qui a été mis à niveau régulièrement depuis, même si d'autres avions de générations plus tardives sont plus performants aujourd'hui", à l'image du F-35 ou du Rafale, explique à franceinfo Jean-Christophe Noël, ancien officier de l'armée de l'air et chercheur associé à l'Ifri.
Est-ce la première fois que des avions de chasse sont promis à Kiev ?
Ce sont les premiers F-16 cédés à Kiev, mais l'armée ukrainienne a déjà reçu ces derniers mois d'autres avions de combat pour renforcer sa flotte : des Mig-29 de conception soviétique, envoyés en mars et avril par la Slovaquie et la Pologne.
L'Ukraine cherche également à récupérer des avions suédois Gripen. "Nous sommes proches d'avoir des Gripen dans notre ciel", a affirmé samedi Volodymyr Zelensky sur Telegram. Des pilotes ukrainiens ont commencé des essais sur ces appareils, d'une génération comparable aux F-16.
A quoi vont-ils servir sur le champ de bataille ?
Depuis le début de l'offensive russe, les avions de combat occupent une place de choix dans la liste des demandes des autorités ukrainiennes à leurs alliés. Les avions promis par le Danemark et les Pays-Bas auraient de nombreux atouts. "Le F-16 est un avion multi-rôles, capable d'affronter les avions et hélicoptères russes, d'aider les chars qui tentent de percer les lignes défensives, et de frapper en profondeur", résume auprès de franceinfo le général Jean-Claude Allard, ancien commandant de l'aviation légère de l'armée de terre et chercheur associé à l'Iris. Ces appareils combleraient ainsi un manque dans les capacités ukrainiennes.
"Aujourd'hui, la guerre aérienne est très réduite sur le champ de bataille", explique Jean-Christophe Noël. Disposer d'avions pour appuyer leurs troupes terrestres permettrait à l'Ukraine de combattre de façon "plus moderne".
Si Volodymyr Zelensky s'est réjoui dimanche de pouvoir renforcer le "bouclier aérien" de son pays, les F-16 donneraient aussi aux troupes de Kiev de meilleures chances de percer les lignes de défense russes. Celles-ci reposent "sur un certain nombre d'aménagements qui empêchent les troupes terrestres d'avancer, comme des mines et tirs d'artillerie préréglés, rappelle Jean-Claude Allard. En menant une offensive uniquement terrestre, vous manquez de possibilités de voir plus loin, de cibler les arrières." Avec des avions performants, les Ukrainiens auraient "plus de chances d'abattre cette défense". A condition, cependant, de savoir coordonner leur action avec celle du reste des troupes, et de disposer d'appareils en nombre suffisant.
Pourquoi ne peuvent-ils pas être déployés immédiatement ?
Ces avions ne changeront toutefois pas le cours de la contre-offensive ukrainienne lancée cet été. Selon les scénarios les plus optimistes, ils pourraient entrer en action à la fin de l'année. Car il faut du temps pour former les pilotes et tout le personnel nécessaire à la maintenance et l'utilisation de ces nouveaux avions. "Il faut savoir utiliser toute l'électronique à bord, des systèmes d'armes aux radars", rappelle Jean-Claude Allard. Mais aussi apprendre des tactiques adaptées au potentiel des F-16, qui doivent se coordonner avec le reste des troupes et sont plus efficaces à plusieurs.
"Certaines opérations vraiment intéressantes mobilisent au moins quatre avions", dans des formations qui se répètent sur des mois, explique Jean-Christophe Noël. D'autant qu'"il y a une part d'inconnue dans la courbe d'apprentissage des pilotes ukrainiens".
Cet entraînement doit être assuré par une large coalition de pays soutiens de l'Ukraine. Le dernier en date, la Grèce, a proposé lundi de former des pilotes ukrainiens, a annoncé Volodymyr Zelensky lors d'une visite surprise à Athènes. Certaines formations ont par ailleurs déjà commencé, comme des cours d'anglais dispensés au Royaume-Uni.
Pourquoi les alliés de l'Ukraine n'ont-ils pas accepté plus tôt de livrer des avions ?
Ce sont les Pays-Bas et le Danemark qui céderont leurs F-16 à l'Ukraine, mais l'opération dépendait des Etats-Unis, qui conservent un droit de regard sur le devenir des équipements militaires vendus à leurs alliés. Le département d'Etat américain a fait savoir vendredi qu'il avait donné son feu vert, après des mois d'atermoiements. "D'ailleurs, les Américains ne donnent pas d'avions eux-mêmes", observe Jean-Christophe Noël, qui y voit une volonté de "limiter un peu l'escalade".
Depuis des mois, Moscou affirme en effet que la fourniture de F-16 à Kiev serait un tournant et promet de riposter. Le F-16 est aussi "une vitrine" de l'industrie américaine de l'armement, explique le général Jean-Claude Allard, qui estime que "tout F-16 abattu par la Russie sera un coup porté à l'image américaine". A ses yeux, la décision de Washington est une véritable "marque d'engagement" sur le long terme en faveur de l'Ukraine.
La difficulté de céder des avions de combat tient aussi au besoin, pour les pays donateurs, de les remplacer. Les Pays-Bas et le Danemark comptent sur les F-35, la nouvelle génération d'avions américains, dont la construction est complexe. D'autres pays qui possèdent aussi des F-16, comme la Belgique, se heurtent au manque de solutions alternatives. C'est aussi le cas de la France.
"Si on donnait des Rafale à l'Ukraine, on pourrait manquer d'avions pour défendre notre territoire, pour sécuriser la frontière de l'Otan, pour intervenir en Afrique et au Levant et pour assurer l'alerte nucléaire", rappelle Jean-Christophe Noël.
Sans parler de la nouvelle longue formation qu'il faudrait proposer aux pilotes ukrainiens sur ces appareils d'un autre type.
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