Guerre en Ukraine : Pourquoi la Chine n'a pas « envie » de jouer « les médiatrices »
Neutralité (de façade). Contrairement à ce que semble espérer Emmanuel Macron, la Chine n’a aucun intérêt à intervenir dans la guerre en Ukraine en faveur de pourparlers, malgré ses leviers de négociation avec Moscou.
Xi Jinping est-il le seul chef d’Etat à pouvoir murmurer à l’oreille de Vladimir Poutine, qu’il appelle son « meilleur ami » ? La Chine n’a jamais condamné l’invasion de l’Ukraine depuis le 24 février 2022, mais ne semble pas non plus vouloir s’engager concrètement dans le conflit en fournissant de l’aide militaire à la Russie.
Alors que le chef de la diplomatie chinoise est accueilli ce mercredi par Emmanuel Macron, Paris veut tenter une nouvelle fois de convaincre Pékin d’intervenir auprès de Moscou pour engager des pourparlers avec Kiev. La Chine peut-elle endosser ce rôle de médiateur ? Comment profite-t-elle de la guerre ? Peut-elle prendre parti ?
Même si la Chine a « les leviers pour » parler à Vladimir Poutine, cette idée reste aujourd’hui « illusoire », selon Marc Julienne, spécialiste de la Chine à l’Institut français des relations internationales (Ifri), contacté par 20 Minutes.
La Chine peut-elle servir de médiatrice du conflit comme semble l’espérer Emmanuel Macron ?
La guerre en Ukraine est au menu des discussions ce mercredi entre Wang Yi et le président français, avant une éventuelle visite d’Emmanuel Macron en Chine. Lors de sa rencontre avec son homologue chinois au sommet du G20 à Bali le 15 novembre dernier, le chef de l’Etat français avait demandé à Xi Jinping de tenter de convaincre le président russe de revenir à la « table des négociations ». Mais pour Philippe Le Corre, chercheur au Think Tank américain Asia Society Policy Institute, « il n’y a pas le moindre espoir que la Chine soit un quelconque médiateur », affirme-t-il à 20 Minutes. « En plus de ne pas en avoir les capacités, elle n’en a pas l’envie », insiste-t-il.
Même si Pékin semble être le partenaire de la Russie le mieux placé pour tenter de discuter avec Vladimir Poutine, « elle n’est pas en mesure de gérer une crise aussi compliquée entre les Européens et la Russie, d’autant qu’elle n’est pas directement impliquée », développe-t-il.
Pour Marc Julienne, Pékin a « les leviers pour » faire peser le débat, notamment des canaux de communication, des moyens de pression économique, mais « elle n’a jamais engagé aucune initiative pour favoriser un processus de pourparlers, contrairement à la Turquie par exemple ». C’est donc un projet jugé « illusoire » malgré leur « amitié sans limite », souligne-t-il.
Et si elle se prêtait au jeu, « elle ne le ferait jamais gratuitement, que demanderait-elle en échange ? », s’interroge Philippe Le Corre.
Comment Pékin tire-t-elle profit de la guerre en Ukraine ?
C’est une amitié forte mais inéquitable qui lie Pékin et Moscou. Si la Chine parvient à tirer profit de l’affaiblissement de la Russie sur la scène internationale depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, l’invasion de l’Ukraine n’a fait que consolider ces liens et creuser le rapport de force.
« Avant la Crimée, Vladimir Poutine a toujours été réticent à s’engager davantage avec la Chine, notamment en matière énergétique, commerciale et spatiale, mais depuis, cette coopération s’est renforcée », explique à 20 Minutes Marc Julienne. Et depuis, Pékin a obtenu des contrats au rabais pour les matières premières qui permettent de subvenir à ses « besoins colossaux », notamment en matière énergétique, ajoute le spécialiste de la Chine à l’Ifri.
Economiquement, la Chine s’y retrouve donc largement, avec un commerce bilatéral entre les deux puissances asiatiques qui a bondi en 2022. En mars 2022, un mois seulement après la déclaration de guerre de la Russie à l’Ukraine, les exportations de la Chine ont bondi de 41,5 % vers la Russie sur un an.
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« La Chine aurait beaucoup à perdre en s’impliquant davantage et pas grand-chose à gagner », Marc Julienne
Pourquoi la Chine ne prendra-t-elle pas parti ?
Avec tous ces avantages qu’elle tire de la guerre, Pékin n’a donc pas intérêt à modifier sa position. Prendre parti pour l’Ukraine comme appuyer davantage la Russie pourrait lui nuire, d’où son intention de conserver cette neutralité de façade. Elle ne peut raisonnablement pas s’acoquiner davantage avec Moscou, au risque de se voir viser par les sanctions occidentales. « Si les entreprises chinoises commencent à commercer avec des entreprises russes sous sanctions, Pékin enfreindrait les sanctions alors qu’elle tente de ménager ses relations avec l’Occident », analyse Philippe Le Corre.
De l’autre côté, elle ne peut pas tourner le dos à la Russie. « Avoir la Russie parmi ses alliés, c’est un sacré atout », rappelle Philippe Le Corre. Et même si elle ne reconnaît pas les territoires annexés par la Russie, soutenir l’Ukraine ne serait pas en adéquation avec son positionnement idéologique.
« Pékin et Moscou sont dans une rivalité du modèle politique avec les démocraties occidentales, marquée par une fracture idéologique », développe Marc Julienne. Or l'Ukraine est du côté de l'Union européenne, l'Otan, l'Occident. « La Chine aurait beaucoup à perdre en s’impliquant davantage et pas grand-chose à gagner », résume-t-il.
D’autant que Pékin a d’autres préoccupations internes, comme la crise provoquée par le Covid-19 ou l’inquiétant ralentissement économique.
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