La France réfléchit à actualiser sa stratégie indo-pacifique
La ministre des Affaires étrangères est attendue en Australie, et son collègue de la Défense, en Nouvelle-Calédonie. La France se prépare à actualiser, dans quelques semaines, sa stratégie indo-pacifique. La nouvelle approche sera davantage régionalisée, en s’attachant aux spécificités des sous-ensembles, et moins théorique, dit-on.
Pour poser des jalons et renforcer les relations avec leurs partenaires, les ministres des Affaires étrangères, Catherine Colonna, et des Armées, Sébastien Lecornu, viennent d’engager des tournées parallèles dans la zone. Catherine Colonna est attendue en Australie lundi et mardi. En annonçant une nouvelle feuille de route entre Paris et Canberra, faite de projets communs en matière de défense, de recherche ou de culture, la France veut tourner un peu plus la page de la brouille de l’accord Aukus.
Au même moment, après s’être rendu aux Philippines dimanche, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, est attendu en Nouvelle-Calédonie. Il y présidera mardi et mercredi la «réunion des ministres de la défense du Pacifique Sud». L’enceinte n’a rien d’une alliance militaire. Les pays insulaires du Pacifique ne sont que quelques-uns à disposer d’un ministère de la Défense. Mais la France, en tant que riveraine de la région, compte bien y prouver son intérêt pour une zone menacée, elle aussi, de tensions. Le mois dernier, un navire des gardes-côtes philippins et un navire militaire chinois sont entrés en collision. Samedi, Paris et Manille se sont engagés à approfondir leurs coopérations de défense.
À Nouméa, la réunion ministérielle réunira sept pays de la zone: l’Australie, le Chili, les Fidji, la France, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Tonga, et trois États observateurs - les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni. Elle concentrera ses efforts sur les enjeux qui préoccupent prioritairement les États insulaires: le respect de leur souveraineté, alors que la pêche illégale pille les ressources halieutiques, ou les risques liés au réchauffement climatique.
Faire valoir l’intérêt des moyens militaires prépositionnés
Face à des enjeux concrets, la France veut faire valoir l’intérêt de ses moyens militaires prépositionnés. Grâce à eux, elle peut mener des missions d’assistance humanitaire dans la région. Ses capacités de surveillance sont un autre atout pour observer les activités suspectes. Grâce à la technologie de la start-up Unseenlabs, la marine est, par exemple, en mesure de suivre les mouvements de bateaux même s’ils ont coupé leur balise de positionnement AIS.
La réunion des ministres de la Défense sera l’occasion pour la France d’aborder la question du partage d’information, de proposer un renforcement de l’offre de formation vis-à-vis de ses partenaires et de proposer des «embarquements conjoints» avec des partenaires, pour étendre les missions de contrôle. Doucement, en tissant des liens, la France cherche à résoudre la contradiction qui la guette pour protéger ses intérêts en Indo-Pacifique.
«En dépit d’une rhétorique politique faisant de l’Indo-Pacifique une priorité, les ressources mobilisables par la France dans la région demeurent très limitées», résument Jérémy Bachelier et Céline Pajon dans un rapport de l’Ifri très détaillé, paru en octobre.
Si l’Indo-Pacifique a fait l’objet d’une stratégie ambitieuse portée par le chef de l’État, Emmanuel Macron, en 2018, la réalité invite à la modestie. Militairement, la France peut compter sur 7000 soldats en tout, quatre frégates vieillissantes de la classe Floréal (deux à la Réunion, une en Polynésie, une en Nouvelle-Calédonie) qui attendent d’être remplacées, six patrouilleurs d’outre-mer qui seront livrés dans les prochaines années, des avions de transport CN-235, et quelques avions de surveillance maritime.
Les capacités de patrouille maritime représentent «à peu près l’équivalent de deux voitures de police pour surveiller le territoire de la France», résument les auteurs. L’augmentation des moyens prévus dans la loi de programmation militaire, de l’ordre de 700 soldats, ne changera pas la donne.
«Une posture diplomatique mal comprise»
Le principal problème de la stratégie française en Indo-Pacifique est politique. La France «doit encore relever un certain nombre de défis pour clarifier une posture diplomatique qui est parfois mal comprise», expliquent les auteurs. En se présentant en «puissance d’équilibre», et en semblant placer les États-Unis et la Chine à équidistance, la France a rendu illisible sa stratégie. Les déplacements de Sébastien Lecornu et Catherine Colonna permettront de lever des ambiguïtés.
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