À la frontière ukrainienne, les Russes sont contre la guerre
C’est un fait méconnu mais, en Russie aussi, il y a un Donetsk. Du même nom que la grande cité ukrainienne non loin, cette Donetsk russe (40.000 habitants) est posée sur la frontière entre les deux pays, voisine de la «République populaire» sécessionniste de Lougansk.
Nous sommes dans le Donbass russe, dont les nombreuses mines de charbon faisaient jadis la fierté de l’Union soviétique. Mais aujourd’hui, elles sont en très grande majorité à l’arrêt. Beaucoup d’usines, d’abord privatisées, ont fait faillite. Si elle arbore quelques éoliennes flambant neuves, cette région houillère dessine à perte de vue des paysages bosselés, verts, gris et noirs, où se dressent des cheminées.
Modeste, la Donetsk russe frappe par son apparence grise, par le très mauvais état de ses routes. Le rude début d’hiver a entièrement gelé les trottoirs, les nids-de-poule de l’asphalte sont des piscines de neige fondue. Se déplacer à pied y est un enfer, tout se fait en voiture. Vue familière pour qui arpente la Russie des régions, les vieilles Lada soviétiques côtoient les gros SUV consommant beaucoup d’essence ; les stations-service, elles, portent beau. La période des prazdniki - les traditionnels congés de la nouvelle année qui mettent tout le pays en pause - n’aide pas à animer les rues.
«Cette situation pourrit avec l’Ukraine»
C’est tout de même ici qu’a choisi de s’installer Daria, 34 ans, avec son fils Ilya. La jeune femme est originaire du Donbass ukrainien, de l’autre côté de la frontière. «Je suis arrivée en 2016, après deux années très difficiles où l’on a connu la guerre larvée, les tirs d’obus», raconte-t-elle. «Ce conflit interminable a beaucoup marqué les gens là-bas, on avait peur. Et puis la situation économique s’est beaucoup empirée, c’est pourquoi j’ai choisi de traverser et de venir en Russie.».
Daria, qui travaille désormais comme fleuriste, a pu s’acheter un petit appartement. Elle se sent désormais en sécurité, a obtenu un passeport russe assez facilement. Elle ne comprend toujours pas vraiment ce qui s’est passé. «Vous savez, pour nous, ça avait surtout des allures de guerre civile, car l’Ukraine, la Russie, c’est une question de papiers et de frontières, mais les gens se sentent un peu les mêmes, culturellement, en tant que peuple… C’est regrettable.» Ses proches restés côté ukrainien sont tous russophones, sa famille élargie est éparpillée entre la Russie, l’Ukraine et la Moldavie.
Ici, les gens ont bien d’autres chats à fouetter que le grand échiquier géopolitique et les ambitions de Vladimir Poutine. La lassitude et le désintérêt l’emportent désormais. «On essaie d’oublier autant que possible cette situation qui pourrit avec l’Ukraine», ajoute Olga, vendeuse dans un magasin de spiritueux. La jeune femme de 38 ans avait une grand-mère ukrainienne, parle couramment la langue. Son oncle vit toujours à Kramatorsk, près du Donetsk ukrainien.
Les Russes ne veulent pas un mort de plus dans des opérations militaires. Ils ont d’autres préoccupations, Tatiana Kastouéva-Jean, politologue russe et chercheuse à l’Ifri
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« Une volonté de paix évidente »
La très impopulaire réforme (2018) reculant l’âge de la retraite a aussi durablement impacté la popularité de Vladimir Poutine, qui continue de s’effriter depuis. Pour Tatiana Kastouéva-Jean, politologue russe et chercheuse à l’Ifri (Paris), les Russes ne veulent clairement plus de guerres. «L’annexion de la Crimée, qui a catapulté la popularité de Vladimir Poutine à l’époque, avait surtout été bien reçue par la population, car aucun coup de feu n’avait été tiré», rappelle-t-elle.
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