La livraison par les Occidentaux de chars lourds à l’Ukraine change-t-elle la donne ?
Alors que Moscou poursuit ses frappes en Ukraine, y compris contre des cibles civiles, plusieurs pays occidentaux, dont la France, ont franchi un pallier dans l’aide apportée aux forces de Kiev, en annonçant la livraison de chars. Un soutien réclamé depuis des mois par le président Zelensky. Le Kremlin, qui a vivement dénoncé cette décision, a promis de tout faire pour les détruire.
> Léo Péria-Peigné, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri)
La livraison d’une centaine de chars Bradley et Marder par les États-Unis et l’Allemagne va être très utile aux Ukrainiens qui manquent de véhicules blindés d’infanterie. Ils en sont réduits à lancer des assauts avec des véhicules anti-mines très peu blindés, ce qui entraîne des pertes sensibles qui pourront être évitées avec ce type d’équipement. Par ailleurs, les Ukrainiens ont des chars de fabrication soviétique tout à fait corrects et ont récupéré beaucoup de chars perdus par les Russes. Et dès le début de la guerre, la Pologne, la Slovénie et la République tchèque leur ont aussi livré 250 chars T-72.
Les autorités ukrainiennes demandent des chars aux pays occidentaux parce que c’est un symbole fort, l’arme militaire moderne par excellence. Le plus rationnel, militairement et logistiquement, consisterait à livrer en nombre suffisant des Leopard 1 ou 2 (de fabrication allemande, NDLR). Un grand nombre de ces chars se trouvent actuellement dans les arsenaux européens. La Pologne, l’Espagne et la Finlande seraient en mesure de livrer ensemble 250 à 300 chars Leopard. En revanche, les parcs de chars français Leclerc et italiens C-1 Ariete sont limités, et ces matériels ne sont plus produits, ce qui explique que les gouvernements hésitent à s’en séparer. Et la livraison de 14 chars lourds Challenger 2 annoncée par les Britanniques n’a pas un grand intérêt militaire.
Le char est l’un des systèmes d’armement terrestre qui demande le plus d’entretien et de maintenance pour être opérationnel. Pour un char qui fonctionne, on dit généralement qu’il y en a un en maintenance et un autre immobilisé pour fournir des pièces de rechange. Il serait donc contre-productif pour les pays occidentaux d’en livrer moins de cinquante, en raison de l’effort requis des Ukrainiens en termes de logistique et d’apprentissage.
La livraison de chars modernes par les Occidentaux peut servir d’accélérateur mais ce ne sera pas décisif. Sur le terrain, il n’y a pas d’arme miracle. D’ici au printemps, Kiev doit continuer de former ses troupes, d’intégrer le matériel livré, de recevoir et économiser des munitions reçues et de préparer son offensive là où elle le pourra. Un char permet de porter une puissance de feu conséquente à proximité de l’adversaire, quel que soit le terrain, cela sert pour faire une percée blindée ou un appui feu rapproché.
La livraison de chars lourds à l’Ukraine ne sera donc pas un tournant, à moins que les Occidentaux livrent une division blindée complète avec le soutien qui va avec : à savoir 400 blindés d’infanterie, 200 chars et des dépanneurs. Or, je les vois mal livrer plus de 200 chars dans un délai contraint. Si les Russes mobilisent 500 000 hommes, les Ukrainiens auront besoin d’une grande quantité d’artillerie, de lance-roquettes multiples Himars et de munitions.
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