« La Turquie en 100 questions », pour mieux comprendre ce pays aux portes de l’Europe
Le cas de la Turquie, régime autoritaire aux portes d’une Europe qu’elle dit toujours vouloir rejoindre, suscite inquiétudes, polémiques et malentendus bien au-delà de ses frontières. Avec pédagogie, efficacité et sensibilité, Dorothée Schmid ajuste le prisme dans « La Turquie en 100 questions », publié chez Tallandier.
La Turquie en 100 questions
Dorothée Schmid - Tallandier, février 2017, 280 p, 14,90 €
Le cas de la Turquie, régime autoritaire aux portes d’une Europe qu’elle dit toujours vouloir rejoindre, suscite inquiétudes, polémiques et malentendus bien au-delà de ses frontières. Ils viennent s’interposer comme des filtres qui déforment parfois le regard extérieur sur ce grand pays charnière entre l’Asie et le Vieux Continent. Avec pédagogie, efficacité et sensibilité, Dorothée Schmid ajuste le prisme dans « La Turquie en 100 questions », publié chez Tallandier.
Un exposé éclairant et neutre
Respectant la règle de cette collection éditoriale – questions simples, réponses de quelques pages –, la chercheuse, responsable du programme Turquie contemporaine et Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales (Ifri), rappelle les fondamentaux. Les frontières de la Turquie actuelle tiennent en grande partie au Traité de Lausanne, signé en 1923 ; alors qu’elle n’était qu’une « bourgade de 30 000 habitants », Ankara est devenue la capitale cette même année afin de rompre avec l’empire ottoman ; Mustafa Kemal, dit Atatürk, « père » ou « ancêtre » turc, a posé « les bases d’une culture politique qui perdure, mélange de patriotisme, de confiance en l’État et de vénération du chef charismatique » avec lequel l’actuel président, Recep Tayyip Erdogan, « s’est clairement engagé dans une compétition d’influence».
Raisons de la popularité d’Erdogan, nature islamiste de l’AKP, le parti de la justice et du développement, au pouvoir depuis 2002, croissance économique, exportation des séries télévisées, diaspora, appartenance à l’Union européenne… Autant de sujets qui font l’objet d’un exposé éclairant et neutre. La chercheuse s’autorise aussi de salutaires détours un rien distrayants mais aussi riches d’enseignements.
« Midnight Express », film interdit dans le pays jusqu’en 1993
« Pourquoi les Turcs détestent-ils le film Midnight Express ? » s’interroge-t-elle ainsi. Une référence au célèbre long métrage sorti en 1978, inspiré d’un fait divers et racontant le « cauchemar carcéral », ou la « descente aux enfers », de l’Américain Billy Hayes, détenu pendant quatre ans dans la prison de Sagmalcilar, à Istanbul, pour avoir transporté deux kilos de haschich.
Si le film est parsemé d’approximations (notamment le port du fez par certains personnages, alors que celui-ci avait disparu depuis Atatürk), le « tableau sombre » qu’il propose de la Turquie (violence dans les prisons, corruption de la justice) n’est pas très éloigné de la réalité à l’époque, souligne Dorothée Schmid. «L’image qu’impose Midnight Express « collera » encore parfaitement avec la période de dictature militaire qui s’ouvre en 1980 », indique la chercheuse.
Le film fut pourtant taxé de raciste en Turquie et interdit dans le pays jusqu’en 1993. Son réalisateur, Oliver Stone, a même présenté des excuses publiques à Istanbul en 2004 pour avoir « surdramatisé » le scénario. « Ce débat confirme l’extrême sensibilité des Turcs à leur image et leur crainte permanente d’être incompris,analyse l’auteure. Toute représentation romancée de la réalité sociale pose ainsi problème. » Des incompréhensions auxquelles la lecture de l’ouvrage aide à remédier.
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