Le complexe de domination de Poutine
A juste titre, on ne cesse de souligner le retour de la Russie sur la scène internationale.
L’ambition de Vladimir Poutine est d’assurer la sécurité et de restaurer le prestige de son pays. Pour ce faire, il a systématiquement utilisé son siège de membre permanent du conseil de sécurité et instauré un dispositif idéologique à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Il a surtout reconstruit un outil militaire capable de mener des guerres limitées. Après la Géorgie (2008), l’Ukraine (2014), la Russie est militairement engagée en Syrie depuis septembre 2015. Son intervention, aux côtés de l’Iran et du Hezbollah, a permis à Bachar Al-Assad de sauver son régime. Et donc de modifier l’équilibre des forces au Moyen Orient, et indirectement en Europe.
Début 2014, Barack Obama qualifiait la Russie de « puissance régionale ». Au grand dam du Kremlin. Signe du chemin parcouru : début 2016, Ashton Carter, secrétaire d’Etat à la Défense, nommait la Russie et la Chine en tête des evolving challenges auxquels les Etats-Unis étaient confrontés. Sans avoir les mêmes moyens militaires que ces derniers, la Russie est parvenue à imposer certains choix stratégiques, comme un écho au déclassement des années quatre-vingt-dix. Il faut bien comprendre que les Etats-Unis demeurent l’obsession de Vladimir Poutine et des élites russes, qui entretiennent une ambivalence fondamentale à leur égard. D’un côté, ils dénoncent l’interventionnisme américain comme principal facteur de déstabilisation du système international ; de l’autre, ils recherchent un reflet de puissance dans le miroir tendu par les Etats-Unis.
Cette situation renvoie au déséquilibre fondamental en termes de potentiel géoéconomique entre les deux pays, ainsi qu’à leur positionnement respectif dans la division internationale du travail. Vladimir Poutine a manifesté sa capacité de passage à l’acte dans le domaine militaire. En revanche, il n’est pas parvenu à moderniser l’économie russe en dépit de niches d’excellence et d’une population bien formée. Prix du pétrole et sanctions contraignent fortement ses perspectives de développement, et laissent une impression d’occasion manquée. Seize ans après son arrivée au pouvoir, il recourt à la guerre limitée pour exister sur la scène internationale. Rien n’indique pour l’heure qu’il veuille se détourner de cette logique.
Média
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