Les cinq dossiers économiques qui attendent les futurs députés européens
Guerre commerciale avec les Américains, budget de l’Union, lutte contre l’évasion fiscale... les eurodéputés nouvellement élus le 26 mai prochain auront du pain sur la planche.
Les eurodéputés fraîchement élus ne vont pas chômer. Dans les mois qui suivront leur élection, ils devront se pencher sur une batterie de dossiers économiques. De l’évasion fiscale à la guerre commerciale avec Trump en passant par le budget pluriannuel, la liste est longue, et les enjeux, majeurs: «sur tous ces sujets, l’UE va devoir faire plus que de la régulation intérieure dans le cadre de la montée en puissance de la Chine et des tensions avec les États-Unis et leurs lois extraterritoriales. Il faudra adopter une vue plus globale et ne pas être naïf», prévient Éric-André Martin, chargé de mission auprès du directeur de l’Ifri et spécialiste des questions européennes. Voici cinq des principaux sujets qui attendent les députés.
• Le budget de l’Union
Les Européens vont devoir se mettre d’accord sur le Cadre financier pluriannuel (CFP) de l’UE. Le CFP est un plan de dépenses qui traduit les priorités financières de l’union sur plusieurs années. C’est en quelque sorte le budget à long terme de l’Europe (les budgets annuels doivent être fixés dans la limite du CFP). Le précédent, qui a débuté en 2014, s’achèvera en 2020. Il faut donc définir le CFP 2021-2027. Soutien à la croissance, agriculture, innovation, climat, migration: tous les volets sont abordés. Le processus a déjà commencé avec, en mai 2018, la présentation des propositions de la Commission européenne qui vise un budget de 1134 milliards d’euros. En novembre, le Parlement a également arrêté sa position avec un CFP de 1324 milliards d’euros. «La balle est désormais dans le camp du Conseil qui doit s’accorder sur une position afin de pouvoir commencer les négociations avec le Parlement», explique un porte-parole. Il n’est d’ailleurs pas impossible que les élections bouleversent ce processus. «En principe, le nouveau Parlement européen n’est pas juridiquement lié par les questions convenues par le Parlement précédent. Il peut rejeter tous les travaux préparatoires antérieurs et même demander à la Commission de présenter de nouvelles propositions, tant que le Conseil n’a pas statué», rappelle l’institut Jacques Delors dans une note consacrée au CFP. La pratique n’est certes pas courante mais elle n’est pas impossible.
«Le CFP est l’un des enjeux les plus importants des prochains mois, qui va donner lieu à des négociations cauchemardesques. La PAC et les fonds structurels seront âprement discutés», prédit Éric-André Martin. «Il faudra se mettre d’accord sur les différents postes de dépenses. Certains pays sont très attachés au statu quo, comme les pays de l’Est ou la France sur la PAC. En face, d’autres voudront augmenter certains budgets censés préparer l’avenir, comme l’innovation. Ce sera une mise à l’épreuve de la cohésion de l’Europe car le risque de fracture est grand», estime le spécialiste. Dans tous les cas, «le temps presse puisque tous les programmes de l’UE (Agriculture, politique régionale, recherche, etc.) dépendent d’un accord sur le CFP», rappelle de son côté le porte-parole du Parlement.
• Les accords commerciaux avec Trump et le Royaume-Uni
Les députés européens auront pour mission de donner leur feu vert aux différents accords commerciaux que l’UE prévoit de signer. Le plus important d’entre eux, et le plus compliqué, concerne les États-Unis. Donald Trump ne cesse de durcir le ton, multipliant les menaces de taxation (automobile, aéronautique, vin…). «Aujourd’hui, la position du gouvernement français [qui n’accepte pas les conditions dans lesquelles la Commission entend négocier avec les Américains, ndlr] augure les difficultés qui nous attendent. L’exercice ne sera pas facile pour les Européens. Donald Trump veut signer un deal pour faire valoir ses intérêts, il va être dur dans les négociations», juge Éric-André Martin. «Si un accord venait à être trouvé, le Parlement devra lui donner son approbation. Là aussi, cela s’annonce compliqué car c’est un sujet extrêmement politique. Les parlementaires sont le reflet de l’opinion et ils n’hésiteront pas à bloquer le processus».
Autre accord qui s’annonce compliqué: celui avec les Britanniques. Une fois le Brexit acté, une période de transition entrera en vigueur pendant laquelle Londres et l’UE négocieront leur relation future.
- « Le gros des négociations se jouera sur les relations commerciales, avec la possibilité d’un accord de libre-échange approfondi sur les biens et des relations beaucoup plus distendues sur les services », estime l’Ifri dans une récente étude.
• La lutte contre le blanchiment et l’évasion fiscale
Les députés fraîchement élus devront poursuivre le processus législatif entamé en mars avec l’adoption par le Parlement européen du rapport de la commission TAX3. Cette feuille de route prévoit de lutter contre la criminalité financière avec, entre autres, un renforcement des échanges d’informations, la mise en place d’une police financière de l’UE et d’un organisme européen de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux. «Le rapport signale également que la Belgique, Chypre, la Hongrie, l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas pourraient se comporter comme des paradis fiscaux et appelle à mettre un terme aux systèmes de visas dorés», précise le Parlement. «Cette fois encore, on peut s’attendre à des négociations compliquées au Parlement. Les enjeux liés à la lutte contre l’évasion fiscale diffèrent selon les membres de l’UE. Certains pays, comme l’Irlande, ont bâti leur modèle économique sur ces lois fiscales. Ce sera dur de trouver un terrain d’entente au sein d’un Parlement censé défendre les intérêts de chaque état», juge Éric-André Martin.
• Le numérique
Comme l’ont montré les débats intenses autour de la réglementation RGPD ou le droit d’auteur, les sujets liés à l’économie du numérique sont devenus cruciaux pour l’Union européenne. Les nouveaux parlementaires n’y échapperont pas. De nombreux dossiers les attendent comme celui, explosif, de la directive e-privacy. Censée compléter la RGPD dans les domaines de la confidentialité des communications, l’identification et la surveillance, cette directive fait l’objet d’un lobbying intense car elle concerne de nombreux secteurs (Gafa, télécoms, médias). Les parlementaires européens auront aussi pour mission de négocier avec le Conseil des ministres la forme définitive de la législation relative à «la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne». D’autres sujets seront sur la table comme l’internet des objets, les mégadonnées, la chaîne de blocs, la mobilité intelligente, la conduite autonome, la santé en ligne, l’intelligence artificielle… «Ce sont des enjeux majeurs car l’UE ne peut plus rester spectatrice. Elle doit obtenir un rééquilibrage du rapport de force pour obtenir une juste rémunération des contenus», estime le spécialiste de l’Ifri.
• Le climat et l’environnement
Réduction des émissions de CO² des voitures, lutte contre le plastique à usage unique, protection des fonds marins… L’Europe est sur tous les fronts concernant les enjeux environnementaux. Dans ce cadre, l’un des principaux thèmes qui sera débattu par les nouveaux parlementaires concernera le financement de l’investissement durable. Bruxelles souhaite mettre en place un système de classification européen unifié permettant de déterminer si une activité économique est écologiquement durable. Le 28 mars dernier, le Parlement européen a voté sa position sur le sujet qui doit être transmise au Conseil et à la Commission. La procédure législative en est donc à son commencement. «Les sujets liés à l’environnement et au climat sont tout aussi clivants que les autres. Les États membres, dont le bouquet énergétique est différent, ne suivent pas tous les mêmes intérêts», constate Éric-André Martin. «Pour être crédible à l’international, l’Europe devra mettre en œuvre ses engagements climatiques . Mais pour cela il faudra de la convergence. L’opinion étant de plus en plus mobilisée sur la question, le vote écologiste sera peut-être plus fortement exprimé aux élections. Dans tous les cas, le mouvement écologiste sera une force sur laquelle il faudra compter au Parlement», conclut l’expert.
Lire l'article sur LeFigaro.fr
Média
Partager