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Mohamad Mahathir, l’universalisme français et le président Macron

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Après la décapitation de l'enseignant français, Samuel Paty, Emmanuel Macron a promis que la France ne renoncerait pas aux caricatures, au nom de la liberté d'expression. Ses propos ont entraîné dans plusieurs pays musulmans de vives tensions. Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse associée au Centre Asie de l’Ifri (Institut français des relations internationales), revient sur les propos tenus le 29 octobre par l’ancien Premier ministre malaisien, Mahathir.

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L’ancien Premier ministre malaisien, Mohamad Mahathir, a surpris en publiant quelques heures après l’attaque terroriste perpétrée à Nice (où deux femmes et un homme ont été égorgés) le 29 octobre – et qui suivait la décapitation en pleine rue d’un enseignant à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre -, une série de messages incendiaires sur Twitter pouvant aisément être interprétés comme une justification de ces barbaries, voire un appel à préparer de nouvelles attaques parce que les musulmans ont le droit d’être en colère et de tuer des millions de Français pour les massacres passés.

Partout dans le monde, ces tweets belliqueux ont suscité la consternation : s’agit-il des diatribes enflammées d’un vieillard gâteux (l’ancien Premier ministre – démis de ses fonctions en février 2020 au terme d’un putsch parlementaire – a 95 ans aujourd’hui) ou, plus grave, d’une provocation déplacée mais délibérée, incitant à une volonté de revanche inassouvie ?

Ce n’est pas la première fois que Mahathir exprime des propos outranciers destinés à la communauté internationale. Dans sa longue carrière politique et diplomatique, il avait déjà vilipendé les hérauts de la démocratie qui défendaient une vision impérialiste de la démocratie comme s’il n’y avait qu’une seule forme de démocratie et qu’un seul clerc pour l’interpréter !. Il faisait alors allusion aux délégations de bureaucrates européens qui défilaient en Asie du Sud-Est pour donner des leçons de bien-pensance aux dirigeants autoritaires et auxquelles il avait opposé un discours sur les valeurs asiatiques. Sur les Juifs, l’Occident décadent ou les Routes de la Soie chinoises nouvelle version du colonialisme, Mahathir a un jugement incisif, donc simplificateur et potentiellement dangereux.

Ne nous y trompons pas toutefois : à la manière du président Trump, Mohamad Mahathir sait parfaitement où il va et ce qu’il gagne à apparaître comme un élément rassembleur dans son propre camp (n’oublions pas que la Malaisie, où l’Islam est religion d’État, est aussi travaillée par des courants ultra-conservateurs) et à l’inverse, comme un élément disruptif, un trublion, pour ses interlocuteurs mondiaux. Il sait aussi les bénéfices faciles qu’il y a à agiter les spectres de l’histoire pour vivifier un nationalisme tenté de se dissoudre dans une mondialisation porteuse d’homogénéisation et pour accuser ceux qu’on juge responsables.

Le président Macron et son soutien inconditionnel à la liberté d’expression – fût-elle offensante pour certains -, dérange et explique la levée de boucliers dans de nombreux pays, pour deux raisons au moins. D’une part, parce qu’il aurait fallu accompagner cette affirmation d’explications : la France a traversé bien des crises avant de décider d’un modèle républicain français fondé sur la laïcité (les explications sont venues, mais plus tard, lors d’une interview à la chaîne Al Jazeera). D’autre part, parce que Paris semble difficilement admettre aujourd’hui que, selon Blaise Pascal, vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. L’accepter serait revenir sur notre prétention à l’universalité des valeurs qui ont fondé notre modèle et auxquelles la mondialisation impose du fait de sa nature et de sa diversité, une influence relative. Ainsi, on aurait peut-être apprécié que notre président sorte des amalgames dangereux et des débordements risqués proférés en Malaisie et ailleurs non en s’abritant derrière une nième leçon mais par le bon sens : rappeler au monde entier, Mahathir en tête, que la réserve, le discernement et la modération sont aussi des marqueurs de la démocratie. C’eût été faire honneur à la France ainsi qu’à l’universalité de la dignité et de l’intelligence humaines.

 

Retrouvez la tribune de Sophie Boisseau du Rocher sur le site de Ouest France.

 

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Sophie BOISSEAU du ROCHER

Intitulé du poste

Ancienne Chercheuse associée, Centre Asie de l'Ifri

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