Mur de Berlin: 30 ans après, l'Allemagne se cherche un nouveau destin
INTERVIEW CROISEE - Franziska Brantner, députée verte au Bundestag dialogue avec Thierry de Montbrial, fondateur de l’Institut français des relations internationales sur la place de l'Allemagne, trente ans après la chute du mur de Berlin.
Franziska Brantner, députée verte et étoile montante de la politique allemande, partage pour Challenges sa vision du monde avec Thierry de Montbrial, fondateur de l’Institut français des relations internationales.
Challenges - Que reste-t-il de l’enthousiasme de la nuit du 9 novembre 1989?
Franziska Brantner - Il reste encore des différences entre l’est et l’ouest. Certes il y a eu beaucoup d’échanges. Mais on a peu appris les uns des autres. Il y a même de la nostalgie de l’époque précédente. Nous demandons un vrai travail de transparence sur ce passé. Il ne faut pas laisser ce travail de mémoire et d’auto-réflexion à l’extrême droite. Pour beaucoup, la réunification ce sont les enfants qui partent et les petits-enfants qui vivent ailleurs. Le débat sur le devenir des êtres humains ne peut être résumé au taux de chômage aux centres-villes bien rénovés. N’oublions pas qu’il n’y a pas eu de mai 1968 chez nous.
Thierry de Montbrial - C’est un sujet tout à fait passionnant. La nostalgie? Une forme d’idéalisation qui est partout présente, particulièrement en Russie. Elle est liée aux difficultés objectives qui sont celles de l’adaptation à la mondialisation. Tout cela se conjugue.
Les Allemands peuvent-ils être fiers ?
F. B. Nous avons connu nos Trente glorieuses, basées sur le travail, les exportations, la réussite matérielle. Mais j’ose espérer pouvoir être fière d’autre chose : nous devons devenir responsables et solidaires. Je préférerais que l’on accepte de jouer un rôle. Par exemple, que l’Allemagne accepte de contribuer plus au budget de l’Union européenne. Que l’on fasse des pas en avant dans le domaine de la défense. Mais la mission doit être européenne ou internationale. Je suis exaspérée quand mon pays avance des propositions unilatérales sur la Syrie.
T. M. Il faut être clair. L’Allemagne réunifiée n’a jamais été hégémonique. Economiquement, le chemin parcouru – avec l’aide de l’Europe – est impressionnant. Mais l’hégémonie est une notion de domination politique. Or, l’Allemagne reste un nain en la matière. Et son modèle économique, très adapté à la mondialisation, s’avère moins pertinent.
Angela Merkel n’a donc pas de vision internationale ?
T. M. Quand elle se rend à Pékin, c’est comme un voyageur de commerce. L’Allemagne est un Etat petit-bourgeois. En fait de vision, celle-ci s’avère un peu étroite. Par ailleurs, le problème, qui était prévisible dès 1990, c’est que les Etats-Unis s’éloignent de l’Europe. Nous devons donc nous positionner par rapport aux trente prochaines années avec une vision commune. C’est ce nouveau projet qu’il faut arriver à formuler. Sinon, nous serons de simples sujets de l’Histoire. Il n’y a pas de raison de craindre une Allemagne trop puissante.
F. B. On n’aura jamais la frappe nucléaire.
T. M. Jamais ? On ne peut jamais dire jamais… L’Allemagne est-elle vraiment égoïste ?
F. B. Se vanter de nos excédents et de notre industrie nationale est une forme d’égoïsme. Il faut que l’Allemagne soit solidaire et européenne.
T. M. L’Allemagne a un avantage comparatif d’un point de vue économique, mais manque de vision. En France, c’est l’inverse. Le monde a-t-il été déstabilisé par ce 9 novembre 1989 ?
T. M. Ce qui déstabilise l’histoire du monde, c’est la révolution des technologies de l’information, qui a débuté dès les années 1960. Les vagues continuent de déferler. La difficulté pour les Européens est d’adopter des politiques communes face à ces défis.
F. B. Il est sain de remettre les célébrations de 1989 dans un contexte européen. Ce n’est pas qu’une histoire allemande.
Copyright Challenges / Sabine Syfuss-Arnaud et Pierre-Henri de Menthon
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