Nord Stream 2 : timide détente entre Washington et Moscou
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a rencontré son homologue russe en Islande jeudi 20 mai, alors que Washington annonçait la levée d’une partie des sanctions visant le gazoduc russe « Nord Stream 2 ».
Ni effusions de bienveillance, ni froid glacial qui caractérise bien souvent les interactions entre officiels américains et russes. La première rencontre entre le secrétaire d’État américain Antony Blinken et son homologue russe Sergueï Lavrov à Reykjavik, dans le cadre du sommet du conseil de l’Arctique, a donné lieu à des discussions « constructives », d’après le ministre des affaires étrangères russe, alors qu’Antony Blinken assurait vouloir « une relation prévisible et stable avec la Russie ».
La guerre en Afghanistan, les dossiers iraniens et nord-coréens, le changement climatique, ou encore la lutte contre la pandémie ont été évoqués par le secrétaire d’État américain comme des sujets sur lesquels une coopération entre Moscou et Washington serait « bonne pour notre peuple, bonne pour le peuple russe, et même bonne pour le monde ».
L’ombre du Nord Stream 2
La cordialité de l’atmosphère a été facilitée par la décision, officiellement annoncée par Washington le même jour, de suspendre l’application de nouvelles sanctions contre la société responsable la construction du gazoduc russe « Nord Stream 2 », ainsi que contre son PDG. « Un signal positif », s’est réjoui le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, alors que les administrations des deux pays préparent depuis plusieurs semaines un sommet entre Joe Biden et Vladimir Poutine, envisagé pour la mi-juin.
La décision pourrait permettre à Moscou d’enfin finir la construction de ce gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne, déjà achevée à près de 95 %. « Pour Washington, les avantages bien réels que tireraient les États-Unis d’un arrêt de la construction du gazoduc ne valent pas le coût que cela aurait pour leur relation avec Berlin et d’autres alliés européens », note Samuel Greene, directeur du Russia Institute au King’s College de Londres.
Pas de « reset »
D’autant qu’au même moment, « la valeur stratégique du Nord Stream 2 a baissé », explique Marc-Antoine Eyl-Mazzega, spécialiste des questions énergétiques à l’Institut français des relations internationales (Ifri). « Les Américains ont déjà réussi à provoquer des difficultés majeures dans la mise en service du projet, précise-t-il, et la transition énergétique en Europe signifie que le rôle du gaz est voué à décliner ».
Cette esquisse de détente entre les deux puissances survient après plusieurs mois de tensions qui ont notamment vu le déploiement de troupes russes à la frontière ukrainienne, à la fin du mois de mars, et des vagues d’expulsions de diplomates déclenchées par de nouvelles sanctions américaines contre Moscou en avril.
Des tensions aux racines profondes qu’une rencontre entre les deux présidents ne suffira vraisemblablement pas à régler : « on est très loin du « reset » (une remise à plat, NDLR) ou d’un nouvel alignement stratégique entre Moscou et Washington, pense Samuel Greene, d’autant que mon impression est que Moscou souhaite ce sommet bien plus que Washington. Pour l’administration Biden, l’idée est de montrer qu’elle est prête à discuter, qu’elle voudrait une relation plus stable, sinon amicale. Mais personne ne semble avoir beaucoup d’illusions sur les chances de succès. » Le regard tourné vers la Chine et le Moyen-Orient, Washington cherche avant tout à éviter la confrontation avec le Kremlin.
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