Nouvelles tensions migratoires aux frontières de l'Europe
Les tensions migratoires pourraient s'accroître aux frontières de l'Union européenne cet été, suite à une "guerre hybride" menée par la Biélorussie et à l'offensive des talibans en Afghanistan. Avec, à la clé, un risque d'instrumentalisation des migrants par les pays voisins.
De nouvelles tensions se profilent aux frontières de l'Europe cet été, alors que l'Union européenne n'a toujours pas réformé sa politique migratoire. Au nord, le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko pousse des migrants à traverser la frontière avec les pays baltes. Au sud, des Afghans, menacés par l'offensive des talibans, ont commencé à fuir leur pays alors que les États-Unis retirent leurs troupes.
Un an après avoir été confronté à une révolte sans précédent, le président Loukachenko utilise les migrants comme "arme" pour tenter de déstabiliser l'UE. Le passage par la Biélorussie, un pays assez pauvre et gouverné par un régime autoritaire, est une route inhabituelle pour les candidats réfugiés. Pourtant, lors les six premiers mois de cette année, 8 fois plus de migrants sont arrivés de Biélorussie en Lituanie.
Ces chiffres sont modestes au regard des flux migratoires au sud de l'UE, mais ces mouvements créent des tensions aux frontières.
Selon Vilnius, Loukachenko fait venir des migrants en charter d'Irak et de Turquie et les pousse aux frontières des pays baltes. "Loukachenko exploite impitoyablement les migrants comme un outil de guerre hybride contre l'UE", a écrit sur Twitter la Première ministre lituanienne Ingrida Simonyte.
Offensive des talibans
En quelques mois, les talibans ont repris plus de la moitié des districts d'Afghanistan. Leur avancée inquiète la population, qui a commencé à se déplacer. "Ce n'est pas nouveau, quand il y a une guerre, les gens fuient. Cela va surtout concerner les pays limitrophes qui accueillent déjà des millions de réfugiés", dit Matthieu Tardis, chercheur au Centre migrations et citoyennetés de l'Institut français des relations internationales (Ifri).
D'après MSF, entre 12.000 et 20.000 migrants sont entrés en Iran en juin. Début juillet, un millier d'Afghans sont entrés au Tadjikistan. L’Ouzbékistan s'apprête à accueillir 9.000 Afghans ayant travaillé avec les forces américaines.
Selon la presse turque, environ 500 migrants provenant d'Afghanistan traversent la frontière chaque jour depuis plusieurs semaines. Or, Ankara ne donne pas de titre d'asile aux Afghans. Certains pourraient se diriger en Europe. La Turquie va, de nouveau, jouer un rôle clé.
La migration instrumentalisée
"Il y a un risque d'instrumentalisation des migrants", reconnaît Matthieu Tardis. "Les États européens ont transféré la responsabilité de la gestion des frontières aux pays voisins, et cela s'est retourné contre eux."
Pour sortir de la crise de 2015, l'UE a conclu un pacte avec la Turquie en lui confiant la gestion des migrants syriens contre une aide de 6 milliards d'euros. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a ensuite utilisé ces migrants comme moyen de pression sur l'UE. "On voit comment la migration peut être instrumentalisée par les pays voisins. Cela joue sur nos peurs", poursuit Matthieu Tardis.
Pour autant, l'UE n'a pas de raison de craindre de nouvelle crise migratoire. "Lorsque l'on regarde les données, c'est faux de dire que tous les réfugiés viennent en Europe. 85% des réfugiés dans le monde se trouvent dans des pays non industrialisés", dit-il.
Par contre, si l'UE veut se mettre à l'abri d'une instrumentalisation des migrants par les pays voisins, elle doit réformer sa politique migratoire. Mais "pour l'instant, la situation est bloquée par défaut de solidarité entre les pays européens", résume Matthieu Tardis.
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