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Pourquoi les étudiants diplômés en Chine affichent-ils en masse leur déprime sur les réseaux ?

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interrogé par Clémentine Maligorne pour 

  Ouest France
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Des photos de jeunes diplômés affalés sur le sol en signe de désespoir se multiplient ces derniers temps sur les réseaux sociaux, symbole d’un certain pessimisme. Avec un taux de chômage record chez les 16-24 ans en Chine, le diplôme n’est plus un rempart contre la précarité. Explications avec Marc Julienne, spécialiste de la Chine à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

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Traditionnellement, lors des cérémonies de remise des diplômes, les étudiants affichent de larges sourires. Mais cette année, en Chine, l’humeur n’est pas à la fête. Ces derniers temps, des clichés de jeunes diplômés qui se prennent en photos, affalés sur le sol, la tête baissée ou en train de mettre leurs certificats de fin d’études à la poubelle circulent sur les réseaux sociaux. Mais que se passe-t-il ? Que signifient ces images ? Pourquoi les diplômés font-ils grise mine ? 

Un chômage record chez les jeunes chinois diplômés

Ces photos illustrent une forme de désillusion de la jeunesse, et en particulier des diplômés. En Chine, le taux de chômage des 16-24 ans a atteint un taux record en mai, à 20,8 %, selon des chiffres officiels publiés jeudi 15 juin 2023 par le Bureau national des statistiques (BNS). Et il touche en particulier les jeunes diplômés.

Actuellement, de plus en plus de diplômés sortent des universités chinoises : un nombre record de 11,6 millions de nouveaux diplômés de l’enseignement supérieur vont arriver sur le marché du travail cet été, sans compter ceux qui sont partis étudier à l’étranger. Or, ils ne trouvent pas de travail à hauteur de leur diplôme et se retrouvent à occuper des emplois qu’ils considèrent « mal payés » pour leur niveau d’étude.

« En dépit des efforts du gouvernement depuis une vingtaine d’années, la transition économique n’a pas eu lieu. Les autorités cherchaient à passer d’un modèle économique qui reposait sur la production manufacturière et l’exportation, vers une économie qui repose sur la consommation intérieure, le secteur tertiaire, des services et la haute technologie », explique Marc Julienne, spécialiste de la Chine à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

 

Selon lui, « L’aboutissement de cette transition aurait dû donner du travail à ces diplômés qui, pour la plupart, s’orientent vers le secteur des services. Mais celle-ci n’a pas eu lieu et l’économie chinoise repose toujours très fortement sur les exportations, sur l’industrie, alors que l’Université a anticipé ce changement économique vers le secteur tertiaire, mais qui reste atrophié. »

Une jeunesse formée mais pas de débouchés

En outre, l’économie chinoise a été fortement malmenée par la crise du Covid-19, notamment en 2022, et peine à se redresser comme l’espéraient les autorités, ce qui n’aide pas les jeunes Chinois. Mais les difficultés pour trouver un emploi à la sortie des études existaient « avant la pandémie », précise Marc Julienne

« On ne voit pas de politiques publiques ambitieuses pour essayer de résorber ce phénomène. Les jeunes sont même appelés à envisager d’autres métiers, à revoir leurs ambitions », ajoute le responsable des activités Chine à l’IFRI.

Le blues des jeunes diplômés est révélateur d’un phénomène de société plus large dans le pays. « Le contrat social qui a présidé en Chine depuis ces quarante-cinq dernières années, depuis les années 1970, et qui a bien fonctionné, repose sur le fait qu’en échange du monopole de la politique, la population a comme garantie la prospérité économique, la sécurité physique, alimentaire, sanitaire », rappelle Marc Julienne.

Depuis les années 1980 jusqu’au début des années 2000, la société chinoise a connu des perspectives de vie « plus attrayantes que la génération précédente. En quelques années, les gens sont sortis de la pauvreté et, assez vite, une société plutôt aisée a émergé », ajoute Marc Julienne. Or, la génération née dans les années 2000 qui termine aujourd’hui ses études et devient diplômée n’a « plus du tout les perspectives fulgurantes de ses aînés ». 

En quelque sorte, l’ascenseur économique et social en Chine est aujourd’hui en panne. Le gouvernement, qui tente de relancer une économie à la peine, espérait un rebond économique en 2023 qui n’arrive pas, malgré l’abandon fin 2022 des restrictions sanitaires anti-Covid.

Une croissance chinoise en berne

Pour leur avenir, les jeunes diplômés chinois ont quelques raisons d’être pessimistes. 

« La Chine ne recouvrira pas les taux de croissances qu’elle a connus jusqu’à présent. Les inégalités vont se creuser, y compris chez les jeunes diplômés de familles aisées qui ont fait les plus grandes universités chinoises, et dont les perspectives sont aujourd’hui un peu limitées », anticipe Marc Julienne. À tel point que certains étudiants qui ont fini leurs études restent vivre dans leur cité étudiante, faute d’emplois et de moyens suffisants pour se loger dans les grandes villes.

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>> Retrouvez l'article intégral sur le site de Ouest France

 

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Marc JULIENNE

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Directeur du Centre Asie de l'Ifri