Serval au secours de la Défense
Conséquence inattendue de l’opération Serval, l’intervention militaire française au Mali pourrait influer sur le budget de la Défense.
Jean-Marc Ayrault a demandé à ses ministres de trouver cinq milliards d'économie supplémentaires pour le budget 2014. La Défense sera-t-elle, une fois encore, la variable d'ajustement ? Chercheur à l'Ifri, Étienne de Durand* indiquait que ce serait injuste, inutile et dangereux.
Injuste parce que,« contrairement à d'autres ministères, la Défense a déjà subi d'importantes réductions d'effectifs (2), a su fonctionner à budget constant depuis 1995, et reste le seul ministère qui planifie ses dépenses ». Inutile parce que le budget de la défense « ne pèse pas lourd dans le déficit général ».Dangereux parce que, « non seulement l'armée recrute 15.000 jeunes par an, mais aussi parce que l'industrie de défense (165.000 emplois directs et autant d'indirects) est essentiellement non délocalisable, de haute technologie et qu'elle exporte. » Etienne de Durand ajoute :« Ponctionner le budget de la Défense, c'est prendre le risque d'un déclassement stratégique de la France. »
Ne pas hypothéquer l'avenir
L'opération Serval, au Mali, aura t-elle influé sur la rédaction du Livre blanc de la défense et, par conséquent, sur la prochaine loi de programmation militaire ?« L'opération a permis d'établir clairement l'utilité des bases françaises en Afrique, comme l'avaient montré les interventions en Côte d'Ivoire puis en Libye ». Dans un entretien avec La Nouvelle République, Étienne de Durand voit ensuite dans Serval un autre enseignement pour les rédacteurs du Livre blanc : « Circulait naguère l'idée de faire supporter par l'armée de terre l'essentiel des restrictions budgétaires ; Serval démontre son utilité et son grand savoir-faire. » Ce qui conduit le chercheur à une autre remarque : « L'opération malienne montre que, lorsqu'elle agit seule, l'armée française peut déployer tout son savoir-faire : riche de son expérience africaine, elle a fait la preuve de son agilité, sa rapidité, son audace et, au final, de sa grande efficacité. » Et pour l'instant sans dégâts collatéraux.
Ce que l'armée française a pu faire au Mali, serait-elle capable de le faire demain si l'on ampute ses budgets ?
« Serval, après la Libye, éclaire nos rapports avec nos alliés : les Américains, et c'est un basculement, ne veulent plus être en première ligne, et disent clairement à l'Europe de se prendre en main sur ces questions de défense », souligne Étienne de Durand qui ajoute : « Au Mali, nos alliés, ce sont surtout les Américains (moyens de renseignement) et les Tchadiens (au sol). » De fait, la France est intervenue quasiment seule au Mali, ses amis européens reconnaissant pourtant l'enjeu contre le terrorisme. Faute d'Europe de la défense, c'est à chaque État de prendre ses responsabilités en la matière. En 3 ans en Europe, les budgets Défense ont diminué de 30 milliards d'euros, soit le montant du budget militaire français, lequel représente 10 % du budget national. Hier, tous les groupes politiques du Sénat, sauf les écologistes, ont menacé de ne pas voter le prochain budget de la Défense s'il passait sous la barre des 1,5 % de PIB, soit environ le budget actuel de l'armée
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