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Suprématie américaine ou prédations chinoises ?

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« Le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème ». Cette fameuse formule de John Connally, secrétaire d’Etat au Trésor de Richard Nixon, rappelle le « privilège exorbitant » dont disposent les Etats-Unis. Bénéficier de la monnaie de référence confère un avantage considérable car cela permet d’imposer un système de règles. Plusieurs entreprises internationales l’ont appris à leurs dépens : il leur a suffit d’avoir utilisé le dollar dans une transaction pour tomber sous le coup de la législation américaine.

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Cette suprématie des Etats-Unis conduit à élaborer des stratégies d’évitement. Deux évolutions sont à noter. Premièrement, la Chine est engagée dans un mouvement graduel de contestation de l’hégémonie imposée par le dollar, qu’il n’est bien sûr pas encore question de remplacer par le yuan. Pour l’instant, le but est de mettre en place des instruments permettant des financements alternatifs. C’est une des raisons d’être de l’Asian Infrastructure Investment Bank, lancée par Pékin en 2014, pour concurrencer la Banque mondiale, le FMI et la Banque asiatique de développement. Deuxièmement, il est désormais possible de rencontrer des entreprises qui souhaitant – par exemple – investir, cherchent des banques n’ayant aucune exposition aux Etats-Unis. Il s’agit pour elles de se soustraire ainsi à tout risque de poursuite.

En poussant cette logique, se dessine une nouvelle géographie d’investissements, de régulations et de contrôles. Des signaux faibles d’anticipation en ce sens sont d’ores et déjà visibles chez plusieurs grandes firmes. Sans forcément l’afficher ouvertement, elles font le choix soit des Etats-Unis soit de la Chine. Ce choix s’explique non seulement par les opportunités de marché mais aussi, et de plus en plus, par les implications politiques de leur exposition et par les accès aux zones d’influence respectives. Ces entreprises anticipent ainsi une nouvelle forme de bipolarisation mondiale, sans claire séparation entre contrôle politique et règles économiques. Exaspérées par la suprématie américaine, elles sont aussi menacées par des prédations chinoises. La conclusion logique est évidente : un troisième acteur est indispensable pour offrir un cadre capable d’imposer des mesures de réciprocité à la Chine et aux Etats-Unis. Ce devrait être la vocation principale de l’Union européenne.

Thomas Gomart, directeur de l’Ifri.

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