Vladimir Poutine signe un décret visant à agrandir l’armée russe
Le président russe a signé, jeudi 25 août, un décret visant à augmenter l’effectif de son armée de 137 000 militaires, soit plus de 10 % de la force de combat actuelle. Cette mesure devra entrer en vigueur le 1er janvier 2023.
► Quel est l’état de l’armée russe aujourd’hui ?
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie fait face à un problème d’infanterie. Si sa force, au moins dans les premiers mois de combat, résidait dans la quantité de matériel à disposition, « l’armée russe était d’emblée sous-dotée en termes d’hommes », explique Dimitri Minic, chercheur au Centre Russie/NEI de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Or, cette armée, qui n’a pas atteint ses objectifs initiaux, a subi de très lourdes pertes en Ukraine parmi les 180 000 hommes initialement mobilisés (en comptants les supplétifs).
La Russie ne communique que sporadiquement sur le nombre de ses pertes – son dernier bilan publié fin mars faisait état de 1 351 décès – mais « on pourrait estimer à environ 60 000 le nombre de pertes pour l’armée, en incluant les morts, les blessés, les déserteurs, les disparus, etc. Ils n’avaient pas prévu une telle attrition », évalue le chercheur.
Le Pentagone va jusqu’à estimer à 80 000 les pertes de l’armée russe, dont 20 000 soldats tués. Selon les militaires britanniques, 55 % des forces mobilisées par la République populaire de Donetsk auraient été décimées.
► Où trouver ces 137 000 nouveaux soldats ?
Moscou a déjà tenté à plusieurs reprises d’attirer de nouveaux soldats. En mai, la Douma a modifié la limite d’âge pour s’engager dans l’armée, le plafond ayant été relevé de 40 ans à l’âge de la retraite, soit 61,5 ans. Les sociétés militaires privées, comme le groupe paramilitaire Wagner ou encore les forces tchétchènes de Ramzan Kadyrov ont également été mises à contribution. Une grande campagne de recrutement a été lancée pour la formation de bataillons de volontaires qui pourraient bénéficier de contrats très lucratifs.
À ce stade, « l’armée russe fait feu de tout bois. Elle a même tenté de recruter dans les prisons et les colonies pénitentiaires », relève Dimitri Minic. Parce que ces incitations ne semblent pas séduire les potentielles recrues, « ce nouveau décret pourrait impliquer soit un élargissement de la conscription, soit une multiplication des soldats sous contrats », déroule Dimitri Minic, qui rappelle que les appels aux conscrits au début de la guerre et au printemps ont été désastreux : « Seulement 20 à 30 % des gens appelés se seraient présentés, pourcentage encore moins élevé qu’avant la guerre, ce qui en dit long sur le rapport au pouvoir de la société russe. » Pour s’assurer de la présence des conscrits, les autorités russes pourraient « mettre en place des mesures très coercitives et une répression sévère de la corruption ».
Quant aux contrats, il faudrait qu’ils soient très attractifs…
► Quelles conséquences sur la guerre en Ukraine ?
Dans sa rhétorique officielle, la Russie évite soigneusement de parler de « guerre », préférant l’expression « opération spéciale ». C’est pourquoi Moscou a cherché à éviter de déclarer la loi martiale ou la mobilisation générale.
Ce décret « offre une nouvelle preuve de cette stratégie d’évitement de la mobilisation générale, qui apparaît comme une évidence », estime Dimitri Minic. Et pour cause : « Au regard des chiffres de la conscription, on comprend bien que les efforts pour mobiliser psychologiquement la jeunesse ne sont pas efficaces. »
Selon le chercheur, « des groupes ou personnalités politiques et militaires, officiels ou non », militent néanmoins pour une véritable déclaration de guerre et une mobilisation en masse.
Leur audience s’est élargie avec l’assassinat, samedi 20 août, de Daria Douguina, la fille de l’idéologue ultranationaliste russe qui appelle à une intensification de la guerre contre les Ukrainiens.
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