Xi Jinping et l'avenir des réformes chinoises
Près de cinq ans après son arrivée au pouvoir, Xi Jinping présente un bilan en demi-teinte. Le 19e Congrès du parti communiste chinois, qui s'ouvre ce 18 octobre, nous renseignera sur l'avenir des réformes qu'entreprendra le président.
Le président Xi Jinping ouvre ce 18 octobre le 19e Congrès du Parti communiste chinois. Son arrivée avait fait naître en 2012 beaucoup d'espoir. Aujourd'hui, l'optimisme économique est refroidi et les tendances autoritaires inquiètent. Le président Xi s'est donné pour objectif « la renaissance de la nation chinoise », mais pour aller où ?
Les défis auxquels la Chine est confrontée sont immenses et fondamentalement politiques. Rien ne serait plus trompeur que d'y voir un processus monolithique. Bien sûr, les images de la réunion qui se tient en ce moment place Tiananmen sont frappantes, mais on aurait tort de voir dans le formalisme des cérémonies la réplique des pratiques staliniennes ou maoïstes. Dans le droit-fil de l'histoire chinoise, il s'agit plutôt de célébrer l'unité nationale qui constitue depuis 2.500 ans l'aspiration cardinale de l'empire du Milieu.
Quant au Parti, il comprend 75 millions de membres issus d'une société désormais très différenciée et il mêle les représentants de la classe moyenne, des autorités locales et régionales, les dirigeants des entreprises publiques et privées, les hauts fonctionnaires, l'armée et le sommet de l'appareil d'Etat. Ce n'est pas un parti dictatorial, c'est une classe dirigeante au sein de laquelle se heurtent et se conjuguent des intérêts économiques et idéologiques concurrents. La meilleure approximation consiste sans doute à y voir une sorte de démocratie censitaire et autoritaire. En tenant congrès, ce parti est confronté à deux tâches : organiser la pérennité de son pouvoir et, pour ce faire, répondre aux défis auxquels le pays fait face.
Des réformes bien modestes
La nécessité de réformes économiques est proclamée depuis 2004, mais la Chine, qui a tant bougé après les réformes de Deng, est devenue, une génération plus tard, presque aussi difficilement réformable que la France ! Tous les observateurs de l'économie chinoise font un bilan en demi-teinte des réformes engagées depuis cinq ans. Les inefficacités du système productif sont toujours là, de même que le gaspillage du capital, l'endettement des entreprises publiques et des collectivités locales, la bulle immobilière, les bilans bancaires dégradés, les inégalités, etc.
Des réformes ont été engagées, mais elles paraissent bien modestes par rapport à l'ampleur des défis. Citons la réduction (modeste) de surcapacités gigantesques dans les secteurs de l'acier et du charbon, la réforme du financement du logement, qui a paradoxalement poussé la spéculation immobilière un peu plus loin, des aménagements (marginaux) de la réglementation bancaire pour traiter les crédits pourris, une certaine liberté des mouvements de capitaux avec l'extérieur (qui a permis l'entrée du yuan dans le panier de monnaies du FMI, le DTS) vite remise sous contrôle après que s'est amorcée la dépréciation prévisible de la monnaie. Ce qui frappe donc, quand on observe la politique économique chinoise, c'est la force d'inertie de la couche dirigeante du Parti.
Renforcer sa mainmise sur le PC ou le réformer
Sur le plan proprement politique, le président Xi a organisé une concentration du pouvoir dans ses mains. La lutte contre la corruption a permis l'élimination des opposants. Les autorités locales ont été renouvelées et appelées à la discipline et à la loyauté. L'armée populaire (véritable Etat dans l'Etat, qui dépend du Parti et non du gouvernement) a été reprise en main et le processus de décision en matière de politique économique est remonté du Premier ministre au président.
Il y a deux façons d'interpréter cette conduite. La plus fréquente y voit la volonté de renforcer la mainmise du Parti communiste sur tous les rouages de la société chinoise, dont le strict encadrement des libertés individuelles serait le témoignage le plus visible. Mais on peut aussi y voir la volonté de réformer un régime vermoulu, de bousculer les positions acquises au sein du Parti sans déstabiliser la société, bref de remettre le pays en mouvement. L'enjeu du Congrès consiste à trancher cette alternative ; les nominations à la tête du Parti nous renseigneront sur l'avenir des réformes.
Jacques Mistral, conseiller spécial à l'Ifri
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