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France and American Leaders, 1981-1993

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(This book's review is publishd in French only. Original book's title: Les Dirigeants américains et la France pendant les présidences de R. Reagan et de G. Bush, 1981-1993.)

Dans cet épais volume, l'auteur étudie successivement toutes les personnalités qui contribuent à la conduite de la politique étrangère des Etats-Unis pendant les années 1981-1993, puis il procède à des études de cas sur les rapports entre la France et ce pays et montre, dans une troisième partie, comment fonctionnent les commissions de la Chambre des représentants et du Sénat concernées par la politique étrangère et la défense, et il décrit les principaux lobbies et think tanks.
C'est de loin la seconde partie qui est la plus intéressante pour le sujet annoncé dans le titre de l'ouvrage, car sous la présidence de Ronald Reagan, trois questions vont successivement opposer puis rapprocher Paris de Washington: la construction du gazoduc euro-sibérien, le déploiement des Pershing II, et l'Initiative de défense stratégique (IDS) qui mène à la conférence de Reykjavik (11-12 octobre 1986). Ces trois questions sont étudiées minutieusement grâce à une documentation considérable. Bien que le pétrole soviétique –et donc la construction du gazoduc euro-sibérien– ait été essentiel pour les Européens, l'Administration Reagan, au lendemain de l'instauration de la loi martiale en Pologne (décembre 1981), a imposé des sanctions à l'Union soviétique et, pratiquement, un embargo sur tous les biens d'équipement concernant le domaine pétrolier, ce qui a évidemment retenti défavorablement sur la construction du gazoduc.
Le climat se détériore entre l’Europe et les Etats-Unis au cours de l'année 1982, mais l'entretien qui se déroule le 27 octobre à l'Elysée entre François Mitterrand et William Clark, conseiller pour les Affaires de sécurité nationale, est une étape importante dans les relations entre les deux pays, car on s'oriente non seulement vers un compromis dans l'affaire du gazoduc, mais surtout vers un rapprochement des positions sur le plan stratégique: alors que les Etats-Unis, pour faire face aux SS20 soviétiques, veulent déployer des euromissiles (en particulier les Pershing II) en Europe, il est confronté à la résistance de Bonn; le 21 janvier 1983, le président Mitterrand vient, devant les députés du Bundestag, expliquer la nécessité pour l'Allemagne d'accepter le déploiement des Pershing II afin de maintenir la dissuasion nucléaire, et donc la paix en Europe. Dans les années qui suivent, la position des Etats-Unis s'inverse, car avec l'initiative de défense stratégique (IDS), ces derniers s'orientent vers une réduction des missiles nucléaires et, à plus ou moins long terme, vers l'option zéro. Cette évolution va dessiner une faille entre Paris et Londres qui, jusque-là, avaient été les meilleurs soutiens de Washington en Europe: Margaret Thatcher ne veut pas renoncer à la force nucléaire britannique, alors que François Mitterrand, le 15 octobre 1986, dans un entretien avec les principaux responsables du gouvernement, déclare qu'il n'est pas hostile à l'option zéro, ce qui pourrait conduire à éliminer les armes du plateau d'Albion.
Les 'études de cas' sous la présidence de George Bush sont de natures différentes; elles ne concernent plus des questions majeures de la politique étrangère des Etats-Unis (rien sur la guerre du Golfe) mais des problèmes spécifiques: les investissements étrangers, et particulièrement français, dans le domaine de la haute technologie et de la défense, et l'échec du rachat de LTV Aerospace and Defense Ca. par la filiale Thomson CSF en raison de l'opposition du Congrès et de plusieurs bureaux de l'Exécutif. La France n'est-elle plus l'un des partenaires privilégiés en Europe? Certes, la rapide progression des investissements étrangers aux Etats-Unis a suscité beaucoup de réticences au sein des instances gouvernementales; mais il y a beaucoup d'autre raisons, parmi lesquelles la personnalité des dirigeants des Etats-Unis, laquelle est principalement étudiée dans la première partie du livre, ou le contexte international, qui a totalement changé avec la fin de la guerre froide. Or, et c'est sans doute un point faible de cet ouvrage, les grandes lignes de l'environnement international, qui sont le contexte des 'études de cas', ne sont pas clairement exposées pour chacune des présidences des Etats-Unis. Si l'anti-communisme de Ronald Reagan est abondamment souligné, le tournant qui marque la guerre froide à la charnière des années 1970-1980 n'est pas explicitement mentionné.
Pourtant, ainsi que l'a noté M. Ledeen, Ronald Reagan, juste après son élection à la présidence, a été alerté par Alexandre de Marenches, chef des services secrets français, sur la situation créée par l'hyper extension de la puissance soviétique, qui soutenait des conflits en Afghanistan, en Angola, au Cambodge et en Amérique centrale. Cette hyper extension pouvait l'affaiblir, surtout si l'Occident soutenait les 'combattants de la liberté'. Reagan a décidé de le faire, tout particulièrement en Afghanistan et au Nicaragua. En outre, il a indirectement aidé l'opposition en Pologne. Dans ce contexte, la France, ayant renoncé à soutenir le régime sandiniste au Nicaragua et s'inquiétant de la menace que faisaient planer les SS20 soviétiques, a pu devenir un partenaire de poids pour les Etats-Unis, d'autant que l'Allemagne était hostile à l'installation des euromissiles.
La donne change avec l'arrivée de George Bush à la Maison-Blanche, comme le montre l’auteur, parce que le nouveau président est partisan non d'un affrontement avec l'Union soviétique pour en précipiter la chute, mais de la coexistence pacifique avec Moscou, ce qui va devenir la norme avec la fin de la guerre froide. Elément plus important encore, Bush joue un rôle déterminant dans la réunification de l'Allemagne, qu'il justifie par la fameuse formule 'partnership in leadership', et à laquelle Mitterrand et Thatcher auraient été plutôt hostiles. Mais l’auteur ne met pas clairement en rapport ce tournant majeur avec la détérioration des relations avec la France. Cependant, ces remarques critiques ne remettent nullement en cause l'intérêt du livre, qui restera pour tous ceux qui travaillent sur cette période une source considérable d'informations et de références bibliographiques.

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