Battle of Wits. The Complete Story of Codebreaking in World War II
C’est un excellent travail de synthèse que nous propose Stephen Budianski, avec cet ouvrage consacré aux 'casseurs de codes' de la Seconde Guerre mondiale. La diversité des sources documentaires et la qualité des recherches ajoutent au plaisir que procure le défilement d’anecdotes bien tournées. A des épisodes historiques connus –Enigma et les prouesses intellectuelles des Polonais et des Britanniques, Midway et les conjectures heureuses des cryptanalystes américains– succèdent des hauts faits d’armes moins connus. On trouve ainsi quelques développements heureux sur la bataille du cap Matapan (mars 1941, navires italiens contre navires britanniques), qui fut le premier engagement du conflit pour lequel le décryptage des signaux adverses a joué un rôle décisif.
Bien sûr, comme souvent dans ce type de texte à vocation synthétique, tout n’est pas d’égale qualité. On repère ici une légère tendance à la mise en scène journalistique, et là un goût marqué pour les explications techniques. S. Budianski est mathématicien de formation, diplômé de Harvard, ce qui l’incite à proposer des développements sans doute pertinents, mais quelque peu arides pour le néophyte. Plus généralement, le lecteur avisé remarquera que l’ouvrage se démarque de son intention originelle. Contrairement à ce qu’affirme le sous-titre, Battle of Wits n’offre pas un panorama complet des travaux cryptanalytiques réalisés pendant la Seconde Guerre. Les efforts de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis font l’objet de développements détaillés, et quelques passages fournissent des aperçus sur les recherches et les opérations de décodage menées en URSS, au Japon et en Allemagne ; mais ce qui a été réalisé dans ces pays pendant la Seconde Guerre est traité de façon fragmentaire.
Ces réserves, soulignons-le, n’entament pas l’intérêt général du texte. D’abord, l’auteur a lu et assimilé une masse considérable de documents. Ensuite et surtout, il sait faire une part à la dimension humaine: les portraits individuels sont à la fois vivants et précis. Point non moins important, S. Budianski s’est appliqué à mettre en évidence les pertes d’énergie suscitées par les biais cognitifs, les freinages bureaucratiques, les jalousies individuelles. Les interactions complexes entre outils technologiques et contraintes psychosociologiques se trouvent de la sorte éclairées.