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German Atrocities 1914. A History of Denial

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Le livre de John Horne et Alan Kramer était, à n’en pas douter, l’un des plus attendus de la part des spécialistes de la Grande Guerre. Représentatif de ce champ d’études en plein renouvellement depuis une quinzaine d’années, sous l’impulsion d’une quinzaine de chercheurs français, anglo-saxons, allemands et italiens, cet ouvrage est dû à deux chercheurs de Dublin, dont le rôle dans ce renouvellement historiographique a été pionnier.
Le sujet, s’il peut paraître anecdotique au premier abord, concentre pourtant deux questionnements capitaux pour la compréhension de la Grande Guerre, mais aussi pour celle d’une bonne partie des conflits qui émaillèrent cette ère de la guerre qu’a été le XXe siècle. Le premier, contemporain à l’événement, consiste à tenter d’établir la matérialité des faits, à préciser l’ampleur et le nombre de victimes des exécutions de civils perpétrées par les troupes allemandes d’invasion en Belgique et en France durant l’été 1914. Près de 10000 personnes furent ainsi exécutées par des troupes d’invasion persuadées d’avoir affaire à des groupes de combattants irréguliers, à des francs-tireurs ou à des civils qui mutilaient les combattants allemands blessés. Angoisses, phénomènes d’épuisement et de circulation de rumeurs créèrent ainsi, au sein de l’armée allemande, une atmosphère de psychose propice à ces explosions d’agressivité. En filigrane de ces analyses serrées du mécanisme conduisant à la violence collective militaire contre les civils, se lit une interrogation sur la rapidité de l’accoutumance à la violence d’individus et de groupes sociaux qui n’y avaient pas été confrontés auparavant.
Très vite, les atrocités commises par les troupes allemandes furent connues et devinrent la pierre d’angle de la 'culture de guerre' en instance de cristallisation dans les sociétés en guerre. Elles apportaient aux yeux des contemporains la preuve de l’inhumanité et de la barbarie allemandes, contre lesquelles l’Entente disait mener une guerre du droit, une guerre sacrée. Les Allemands tentèrent de leur côté de médiatiser les atrocités commises par les Russes envahissant la Prusse orientale, mais aussi en tentant de prouver la véracité des allégations des soldats rapportant les actions de franc-tireur.
Les différents services de propagande, chargés de mener de véritables campagnes pour mobiliser l’opinion internationale et neutre, se firent ainsi une guerre des mots, afin tout à la fois de prouver la véracité de leurs allégations et de discréditer celle des services ennemis. L’enjeu était de taille et refit surface au moment de la signature des traités. Les atrocités furent en effet l’un des axes argumentaires qui permirent aux Alliés de rédiger l’article 231 du traité de Versailles, article qui faisait de l’Allemagne la seule responsable de la guerre et la transformait en une nation mise au ban des peuples civilisés.
La question des atrocités acquit par-là –c’est le second axe de recherche de l’ouvrage– une permanence et une longévité certaines. En Allemagne, la réalité des atrocités, considérées comme une invention de la propagande alliée, fut niée. Dans les années 1930, les milieux pacifistes anglo-saxons et français puis les opinions publiques firent eux aussi de ces atrocités, qui pour certaines étaient bien réelles, une invention du 'bourrage de crâne'. C’est ainsi que leur réalité fut refoulée dans un camp comme dans l’autre: pour des raisons différentes, la permanence de la culture de guerre en Allemagne et sa dilution dans les pays de l’Entente au moment de ce que l’on peut appeler le 'tournant pacifiste' des années 1930, contribuèrent ainsi chacune à rejeter dans le déni des pratiques de violence qui, pourtant, réapparurent dans la même matérialité, les mêmes symboliques durant la campagne de Pologne. Brusquement cristallisées en 1914, les séquences d’agression contre les civils, déniées par les pacifistes comme par les activistes révisionnistes anti-versaillais allemands, réémergèrent, systématisées et radicalisées par une rhétorique nazie qui reprenait les éléments de la culture de guerre de 1914, tout en la démultipliant par l’injection du déterminisme racial.
Ce n’est pas le moindre intérêt du livre de MM. Horne et Kramer que de s’interroger sur les formes de survivances ou de dilution de certains éléments de la culture de guerre et, par-là, d’interroger ce qui reste sans doute la plus longue et la plus meurtrière des séquences de violence de guerre de toute l’époque contemporaine, que Charles de Gaulle –tout comme nombre de spectateurs allemands, nazis ou non– dénommait 'guerre de Trente ans'.

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German Atrocities 1914. A History of Denial, de L'Ifri par
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