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La Maladie de l'islam

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Abdelwhab Meddeb retrace la genèse de ce qu’il appelle la 'maladie de l’islam', celle qui, dans sa lecture la plus intégriste et littérale des textes, conduira aux attentats du 11 septembre 2001. Cette 'maladie' n’est pas propre à l’islam, et l’auteur insiste sur ce point: comme les autres religions, l’islam se lit et se décline sur des modes différenciés. La 'maladie' qui le frappe aujourd’hui n’est qu’un de ses modes de lecture possibles: l’émergence de lettrés autoproclamés depuis les années 1970 a réorienté l’interprétation de l’islam vers une lecture non 'contrôlée' par les règles de la théologie traditionnelle. La prudence n’est donc plus de mise dans l’interprétation.
Mais c’est plus loin dans le temps qu’il faut remonter pour A. Meddeb. C’est autour d'I. Taymiyya et du wahhabisme, tels qu’ils sont tous deux relus par ces nouveaux clercs, que l’intégrisme de l’islam se développe après 1979. En retraçant cet itinéraire de 'l’islam malade', qui, selon l’auteur, remonte au XVe siècle, celui-ci étaye son diagnostic de comparaisons entre l’Islam et l’Occident qui dessinent la toile de fond de son ouvrage. Contraste saisissant, en effet, que cet islam qui, dans les interprétations qui en sont faites dès le XVIIIe siècle, en particulier autour du wahhabisme, qui lutte pour s’imposer en Arabie, puis de la salafiyya, telle que R. Rida la relira au début du siècle, et l’émergence de la civilisation des Lumières en Europe! De ce contraste naît ce que A. Meddeb décrit comme une culture du ressentiment: 'Le sujet islamique est devenu un inconsolé de la destitution' (p. 22). La description de l’ouvrage reprend la comparaison chère à M. Weber mais aussi à l’orientalisme, entre 'ce qui s’est passé' en Occident, c’est-à-dire l’exception du développement vers la modernité et le capitalisme, et 'ce qui a manqué' en Islam pour que celui-ci ne prenne pas le même chemin que celui-là.
A. Meddeb écrit: 'Grâce à la puissance acquise à coups de pétrodollars, les Saoudiens diffusèrent leur idéologie élémentaire et prédatrice de la civilisation que les nations de l’Islam avaient édifiée à travers plus de mille ans d’une dense histoire' (p. 74). L’auteur dénonce ainsi le wahhabisme et sa dissémination dans l’islam aujourd’hui, mais aussi l’alliance objective entre les Etats-Unis et le royaume saoudien, deux nations qui reposent selon lui sur une culture du puritanisme indissolublement liée au religieux. L’auteur reprend les grands noms qui ont forgé la doctrine de l’islamisme, comme R. Rida et H. al-Banna, Mawdudi et S. Qutb chez qui il décèle, comme dans le wahhabisme, la matrice de l’anti-occidentalisme. Le thème du 'complot' fait partie de cette matrice, et le livre contient des passages intéressants sur l’antisémitisme comme conséquence d’une occidentalisation qui se nourrit de l’usage de faux fabriqués en Occident, comme le Protocole des Sages de Sion. La culture du ressentiment n’est pas simplement celle qui se nourrit de la haine de l’autre, mais elle en reprend aussi certaines des matrices culturelles.
Le livre a un ton très personnel, émotionnel et poétique qui rappelle le style que l’auteur nous a déjà donné à voir dans nombre de ses travaux littéraires. A. Meddeb prend position pour une lecture de l’islam par la raison, mais aussi pour un islam qui s’exprime dans la culture et dans ses manifestations esthétiques. 'Un saccage a frappé l’espace des cultures locales abritant le culte des saints et son expression dans le théâtre festif, témoin vivant dans le siècle d’une énergie antique et toute dionysiaque redéployée dans les contours de la croyance islamique. La cérémonie de la transe a pu survivre jusqu’au cœur du XXe siècle. J’en fus le spectateur émerveillé dans l’enfance et l’ai retrouvée dans les années 1980… Mais la censure est à l’œuvre. Sous l’influence rampante du wahhabisme, l’autorité politique décide d’en atténuer l’intensité, (…) d’en contrôler les débordements' (p. 74). A. Meddeb regrette la manière avec laquelle l’islamisme salafiste a œuvré à la destruction du plaisir, et notamment des droits du corps, si importants en Islam.
L’islamisme n’est pas analysé sur un plan sociologique, ce qui n’était probablement pas le but de l’ouvrage. Mais le livre est un travail important en ce sens qu’il offre, de l’intérieur, une réponse vigoureuse à l’islamisme, et qu’il montre l’inadéquation de cette idéologie (que l’auteur considère comme homogène puisqu’il ne fait jamais de distinctions précises au sein même de ses diverses productions idéologiques) avec sa propre conception de l’islam. Les censures explicites et implicites, comme les autocensures, rendent ce type de travaux trop rares pour l’instant, et A. Meddeb vient remplir un espace encore trop peu fréquenté.
Une réserve toutefois: pour A. Meddeb, l’islam d’aujourd’hui, celui qui est le plus partagé, est l’islam du vulgaire, le résultat d’une 'démocratisation sans démocratie'. Plus généralement, 'dans cette manière d’inculquer la maîtrise d’une spécialité à une âme amnésique en marge, je décèle un signe supplémentaire confirmant l’américanisation du monde' (p. 161). A plusieurs reprises, l’auteur dessine une équation directe entre ce qu’il conçoit comme 'dissémination de la vulgarité', 'puritanisme' et 'américanisation du monde'. L’hypothèse semble un peu simpliste et aurait mérité une analyse plus poussée.

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La Maladie de l'islam, de L'Ifri par
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