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Peacemakers. The Paris Conference of 1919 and its Attempts to End War

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Pendant plus de cinq mois, du 18 janvier au 28 juin 1919, tous les regards convergent sur Paris. Plus de trente délégations de pays du monde entier se pressent dans la capitale pour participer à la conférence de la Paix et mettre définitivement un terme à la Grande Guerre. L’œuvre accomplie durant ces six mois est considérable: élaboration du pacte de la Société des Nations; rédaction du traité de Versailles, signé par l’Allemagne à l’issue de la conférence dans la galerie des glaces du château; préparation des traités qui, dans les mois suivants, sont conclus avec les anciens alliés du Reich.
En arrivant à Paris, les peacemakers affichaient deux objectifs. L’un, traditionnel: mettre fin à la guerre et définir de nouvelles frontières. L’autre, original: jeter les bases d’un nouvel ordre mondial fondé non plus sur l’équilibre entre les grandes puissances, mais sur le droit, et notamment sur les principes formulés à plusieurs reprises par le président des Etats-Unis, Woodrow Wilson (diplomatie ouverte, liberté de navigation sur mer, démantèlement des barrières économiques, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, respect des minorités). Les crises précédant le conflit mondial avaient déjà montré les limites du concert européen mis en place dès le traité de Vienne (1815); cette guerre devait être la dernière; la Société des Nations, clef de voûte de l’édifice, offrait, pour garantir une paix durable, la solution de la sécurité collective.
Les espoirs suscités par la conférence furent à la hauteur de ces ambitions immenses. Les désillusions étaient inévitables. Les principes se heurtèrent aux réalités géopolitiques comme aux objectifs contradictoires des uns et des autres. Les frontières de l’Europe centrale et orientale furent tracées en tenant compte certes des aspirations des peuples, mais aussi de considérations d’ordre stratégique ou économique (le fameux accès à la mer dont devait disposer la Pologne), au détriment des Etats vaincus. Les traités, dès l’origine, ont fait l’objet de nombreuses critiques. Les formules lapidaires et définitives n’ont pas manqué pour stigmatiser l’œuvre des diplomates. On avait été trop dur avec l’Allemagne (ou pas assez), engendré de nouveaux foyers de discorde, ignoré la Russie, laissé plusieurs questions sans réponses (création d’un Etat juif, d’une Arménie et d’un Kurdistan indépendants). Ces critiques, en grande partie fondées, ne sauraient pour autant rendre les traités de 1919 directement responsables de toutes les catastrophes ultérieures, ni suffire à faire de la période 1914-1945 une guerre de 30 ans.
Le livre imposant de Margaret MacMillan, professeur à l’université de Toronto, vient à propos nous le rappeler. L’auteur s’appuie sur les nombreux témoignages, souvenirs et études publiés sur la conférence et ses suites. Les références aux archives sont en revanche très épisodiques, et l’on n’apprendra rien de très neuf à la lecture. La bibliographie, essentiellement en langue anglaise, ne fait par ailleurs guère de place à l’historiographie française, allemande ou italienne. Malgré cela, l’intérêt de l’ouvrage, notamment pour le public français, est bien réel pour au moins trois raisons.
La description des différentes délégations, de l’agitation de la vie parisienne, des péripéties émaillant les séances est vivante, précise, agrémentée de nombreuses anecdotes et citations toujours révélatrices, certaines célèbres, d’autres moins. Les portraits des protagonistes sont particulièrement réussis: Wilson, Clemenceau et Lloyd George, bien sûr, mais aussi Benes, Paderewski, Venizelos, la reine Marie de Roumanie, l’Allemand Brockdorff-Rantzau défilent tour à tour. L’auteur insiste avec raison sur l’importance pour un pays d’être bien représenté: la Tchécoslovaquie doit beaucoup à Benes, unanimement apprécié pour le sérieux et la qualité de ses dossiers; les Kurdes, qui n’avaient personne pour défendre leurs intérêts, ne retinrent guère l’attention du Conseil des Quatre.
Loin de se focaliser sur l’Allemagne, M. MacMillan rappelle que sont également évoquées à Paris les questions concernant les Balkans, l’Europe centrale et orientale, l’Italie, la Chine, le Japon et l’ensemble du Moyen-Orient (110 pages consacrées à cette seule région, contre 50 pour l’Allemagne). Le panorama ainsi dressé, même si le procédé est parfois lassant (tous les pays sont abordés un par un), est tout à fait évocateur de l’ampleur de la tâche des peacemakers. Cela donne d’intéressants développements, précis, sur des problèmes rarement abordés par l’historiographie française, notamment sur l’Extrême-Orient ou sur des pays parfois négligés comme la Grèce ou la Bulgarie. A l’inverse, on peut estimer un peu succincte la part réservée à l’Allemagne, aux réparations ou à la Rhénanie, et l’on ne trouvera pas d’analyse détaillée du traité de Versailles.
L’auteur conclut sur l’idée, désormais assez répandue parmi les historiens, que les traités de 1919 n’étaient certes pas parfaits, mais tentaient dans la mesure du possible, en tenant compte des réalités souvent contradictoires et des attentes des diverses opinions publiques, d’instaurer une paix durable, fondée sur le droit et sur une conception plus démocratique des relations internationales. L’isolationnisme américain, la crise économique des années 1930, beaucoup d’autres raisons antérieures ou postérieures à 1919, expliquent autant l’échec de la sécurité collective que les faiblesses initiales de l’Europe de Versailles, réelles, mais qu’il ne faut pas surestimer. Les peacemakers avaient eux-mêmes conscience de ces faiblesses; beaucoup sont repartis déçus et inquiets, mais avec l’impression d’avoir quand même fait de leur mieux. 'Il est plus facile de faire la guerre que la paix', remarquait Clemenceau. Au reste, le traité de Versailles laisse de nombreuses questions en suspens, créant ainsi une dynamique qui ouvre la voie à plusieurs interprétations, et donc plusieurs évolutions possibles, de l’occupation de la Ruhr en 1923 aux accords de Locarno deux ans plus tard. Lui imputer la responsabilité de la Seconde Guerre mondiale serait faire preuve d’un déterminisme pour le moins hâtif.

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