Nombre d’ouvrages se sont efforcés de décrire à chaud les effets du 11 septembre 2001; celui-ci a pris le temps de la réflexion. Les chercheurs de la chaire Raoul-Dandurand de l’université de Montréal réussissent le tableau d’un monde stratégique en effervescence. Ils ont choisi, après la synthèse de Charles-Philippe David qui ouvre le volume, de traiter d’un certain nombre de thèmes obligés d’une manière claire et documentée: ainsi ces pages constituent-elles un fort intéressant instrument de travail.
Au nombre de ces thèmes, on soulignera les développements sur les formes, nouvelles ou anciennes, du terrorisme: voies actuelles du terrorisme à fondement religieux, descriptions du fonctionnement 'en toile' du terrorisme contemporain, débat autour des conflits dits de 'quatrième génération', qui formeraient le fond des rapports stratégiques contemporains. On retiendra également des développements fouillés sur les armes de destruction massive, même si ceux-ci privilégient sans doute excessivement la dimension juridique de l’analyse: la question centrale est bien aujourd’hui celle de la définition d’un nouvel équilibre entre les procédures juridiques et d’autres procédures de contrôle, ou de maîtrise, de ces armes…
Plusieurs chapitres s’attachent aux mutations stratégiques aux Etats-Unis: révolutions techniques remises en perspective historique, redéfinition des priorités de 'grande stratégie', re-hiérarchisation des différentes priorités de défense. Ces développements laissent au demeurant songeur, et donnent le sentiment de recompositions assez brouillonnes, auxquelles seule la massivité de la puissance américaine donne une cohérence.
Au-delà de ces thèmes obligés, l’ouvrage donne d’intéressantes informations sur des domaines moins connus de ce côté-ci de l’Atlantique: les voies d’un renforcement de la sécurité intérieure face à d’éventuels usages 'd’armes de perturbation massive'; la manière de penser la défense civile à partir de l’expérience américaine –ici très en avance sur les recherches européennes; ou les nouveaux rapports Etats-Unis/Canada, organisés par la nécessité de contrôler plus étroitement un espace et des frontières communs.
Contre quelques idées simples, cet ouvrage témoigne de la complexité des problématiques de sécurité qui nous sont désormais imposées; et de la vivacité des études canadiennes –trop peu connues, en France, dans ces domaines.