20e Congrès du Parti communiste chinois : les défis pour les cinq années à venir
Le 20e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) s’ouvre ce dimanche à Pékin. S’il s’annonce sans surprise majeure, autre que la consécration de Xi Jinping, la route vers le 21e Congrès en 2027 devrait être bien moins aisée tant les défis s’accumulent pour la Chine.
Rupture et continuité
Ce Congrès a une dimension exceptionnelle puisqu’il devrait reconduire Xi Jinping à la tête du Parti et du pays, pour un troisième mandat, fait inédit depuis la mort de Mao Zedong en 1976. Xi s’est en effet efforcé de détricoter méthodiquement tous les garde-fous qui avaient été mis en place par Deng Xiaoping dans les années 1980, pour éviter que ne se reproduisent les dérives totalitaires du maoïsme.
Xi a rompu avec la direction collégiale du PCC, il a aboli les règles constitutionnelles et tacites liées aux limites de mandats et à l’âge maximal d’exercice du pouvoir. Il a ravivé le culte de la personnalité et entrepris de réécrire l’histoire de la Chine et celle du Parti, portant un regard beaucoup plus indulgent sur le bilan de Mao que ses prédécesseurs, et un jugement beaucoup plus sévère sur le rôle des Occidentaux dans le déclin de la Chine à partir du xixe siècle.
Ce 20e Congrès est aussi la promesse d’une certaine continuité politique, marquée depuis cinq ans par une fuite en avant autoritaire et la toute-puissance de l’idéologie incarnée par la personne de Xi Jinping. En l’absence de garde-fous, et fort d’un pouvoir sans partage, Xi aurait les mains libres pour pousser plus loin encore sa politique radicalement coercitive dont il a fait la démonstration au Xinjiang, à Hong Kong ou à l’égard de Taïwan. Disposant de surcroît de tous les outils de surveillance offerts par les nouvelles technologies numériques, il faut s’attendre à ce que de nouvelles frontières du totalitarisme soient repoussées.
Crise économique
La consécration annoncée de Xi Jinping intervient à un moment charnière de l’histoire de la République populaire de Chine (RPC). La « période d’opportunité » qui s’était ouverte, selon les stratèges chinois, au début des années 2000, semble désormais refermée. Les défis s’amoncellent pour la nouvelle équipe dirigeante, et le grandiose « rêve chinois » de Xi pour devenir la première puissance mondiale à l’horizon du centenaire de la RPC en 2049 ne sera pas une promenade de santé.
Le premier des défis est économique. Des difficultés conjoncturelles ont plombé la croissance chinoise en 2022. La politique de Zéro-Covid, qui suscite la plus grande perplexité pour ne pas dire l’inquiétude des acteurs étrangers en Chine, entrave durablement l’économie. Alors que le reste du monde est parvenu à maîtriser l’épidémie grâce aux vaccins ARN messager, les confinements continuent de se succéder en Chine. Il semble loin le temps où les autorités chinoises s’érigeaient en modèle absolu de gestion de crise sanitaire, face aux vieilles démocraties occidentales présentées comme exsangues.
L’économie est aussi confrontée à des menaces structurelles, dont la plus massive est la démographie. Alors que l’Organisation des Nations unies (ONU) estimait le pic de la population chinoise à l’horizon 2030, celui-ci devrait être atteint dès 2022. Le vieillissement rapide de la population va immanquablement peser sur le coût de la main-d’œuvre, sur l’épargne des ménages et sur la consommation, alors même que cette dernière est considérée comme le relais de croissance vital pour la prochaine décennie, pour compenser la baisse à venir des exportations. Les mesures politiques engagées sont loin d’être à la hauteur de l’enjeu, tandis que le coût de la vie, de l’éducation et de la santé, ajoutés au déficit de femmes, ne permettront pas de relever le taux de fécondité à court terme.
Une autre menace structurelle qui plane sur l’économie chinoise est l’effondrement du secteur de l’immobilier. Tenu à bout de bras par les autorités, le premier moteur de la croissance de ces trente dernières années qui représente encore entre 15 % et 30 % du produit intérieur brut (PIB) national se délite progressivement et engendre des conséquences systémiques sur l’ensemble de l’économie : risque sur la solvabilité de la dette de grandes entreprises et de gouvernements locaux et risque majeur pour l’emploi.
L’environnement international sous tensions
Le second défi est international. À Washington, républicains et démocrates s’accordent sur une chose : la Chine est la menace numéro 1 pour les États-Unis. Le premier terrain d’affrontement est celui des nouvelles technologies. L’avance de la Chine sur la 5G a été vécue comme un traumatisme à Washington, qui ne retient plus ses coups et recourt à des barrières commerciales pour entraver les progrès de Pékin, dans le domaine des semi-conducteurs notamment. La rivalité est bien entendu militaire également, alors que les États-Unis reconfigurent leur réseau d’alliances et de pactes de sécurité dans l’espace indopacifique. Le partenariat AUKUS entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, et le QUAD, qui réunit Washington, New Delhi, Tokyo et Canberra, en sont les illustrations.
Cette rivalité sino-américaine se cristallise autour de Taïwan, qui est le centre d’une escalade entre l’accentuation de la coercition militaire de Pékin d’un côté, et l’affirmation du soutien de Washington de l’autre. Le nouveau projet de loi sur Taïwan (Taïwan Policy Act) actuellement débattu au Congrès américain et qui vise à renforcer les liens avec l’île, ne manquera pas d’attiser encore ces tensions.
La diplomatie chinoise, qui a pris un virage très agressif ces dernières années, a aussi égratigné les relations avec l’Union européenne (UE). Celle-ci, longtemps divisée sur le cas de la Chine et davantage intéressée par les opportunités économiques que par le projet politique de la RPC, semble désormais se rassembler et progressivement prendre la mesure du défi. Le risque de conflit dans le détroit de Taïwan est d’ailleurs de plus en plus considéré avec sérieux : il aurait pour conséquence de fermer une route commerciale maritime cruciale pour le commerce entre l’Europe et l’Asie, et menacerait l’approvisionnement en composants électroniques, vitaux pour de nombreux secteurs européens, notamment l’automobile.
Preuve de cette prise de conscience, les ministres des Affaires étrangères de l’UE se réunissent le 17 octobre pour discuter de la nouvelle stratégie Chine de l’Union, tandis que les dirigeants européens se rencontrent les 20 et 21 octobre pour parler de « l’Asie », une formule diplomatique pudique pour signifier la Chine.
Sur le plan intérieur comme extérieur, Xi Jinping et sa nouvelle équipe devront affronter des vents contraires dans la réalisation du « rêve chinois ». Reste à savoir si la « pensée de Xi Jinping », l’unique boussole idéologique acceptée en RPC, leur sera d’une grande aide.
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