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Aides d'État : Réorientation des soutiens aux renouvelables

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Aides d'État : Réorientation des soutiens aux renouvelables
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Les nouvelles lignes directrices européennes concernant les aides d’Etat aux secteurs de l’énergie et de l’environnement pour 2014-2020, amorcent un tournant dans la politique européenne de l’énergie. En faisant basculer les énergies renouvelables vers des mécanismes de marché, la Commission européenne accompagne le ralentissement déjà engagé dans le développement des capacités de renouvelables (éolien et solaire) et permet aux Etats membres de stimuler des investissements à plus long terme : énergies traditionnelles de soutien aux énergies renouvelables et déploiement des réseaux et des nouvelles technologies.

Corps analyses

Les lignes directrices visent, en outre, à remédier aux distorsions de concurrence pouvant affecter les consommateurs industriels. Fruit du compromis nécessaire entre Etats membres pour aboutir à une majorité, ces orientations confirment également un assouplissement vers une politique de l’énergie moins prescriptive. En effet, elles laissent une certaine marge de manœuvre aux Etats membres pour mettre en place des dispositifs nationaux de soutien aux énergies renouvelables, mais également pour amener les Etats qui le souhaitent à une plus grande coopération sur les questions énergétiques. Rappelons que la Commission avait préalablement pris soin d’écarter la question du nucléaire du champ d’application de ces dispositions. A ce titre, le projet phare d’EDF en Angleterre (Hinkley Point), qui fait l’objet d’une étude approfondie des services de la concurrence de la Commission, fera jurisprudence pour l’avenir de la filière en Europe.

Vers un rééquilibrage des priorités en matière de renouvelables

Avec 14% de part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale en 2012, l’Union européenne est en bonne position pour atteindre son objectif de 20% en 2020. Dans ses projections pour 2050, publiées le 22 Janvier dernier, la Commission européenne propose de relever à 27% l’objectif de part des renouvelables, pour l’Union dans son ensemble. Préalablement, elle s’appuie sur un constat : à lui seul, le marché de l’énergie ne permettra pas d’atteindre les objectifs désirés [1] ; une intervention publique est nécessaire pour créer des conditions de marché stables et pour encourager l’intégration des énergies renouvelables sur les marchés européens de l’énergie." Un marché intérieur de l’énergie n’est pas une fin en soi ", rappelait la Commission européenne dès 2012 [2], prenant conscience de l’enjeu lié aux investissements à consentir dans les réseaux, chiffrés à 10 milliards d’euros par an à horizon de 10 ans, selon l’ENTSOe, l’association européenne des opérateurs de réseaux électriques.

Le champ de l’intervention publique est délimité par la législation sur les aides d"Etat, domaine de compétence dans lequel l’Union européenne dispose de pouvoirs exclusifs. Appliquée aux secteurs de l’énergie et de l’environnement, la nouvelle législation sur les aides d’Etat [3] définit des lignes directrices compatibles avec le marché intérieur, applicables dès cette année et jusqu’en 2020 [4]. A travers cette réforme, s’ébauche un nouveau cadre d’investissement dans les énergies renouvelables, qui permettra aux Etats membres de redéfinir leurs priorités entre l’atteinte des objectifs de part des renouvelables ou d’efficacité énergétique et la nécessité de renforcer la stabilité des réseaux et les infrastructures énergétiques. Dans certains cas, les Etats membres pourront éviter la procédure lourde et complexe de notification des soutiens publics à la Commission européenne.

Impact des principaux axes de la réforme sur le marché de l’électricité

La proposition faite par la Commission européenne amènera les trois grands mécanismes de soutien aux renouvelables en vigueur en Europe (tarifs fixes de rachats, primes de rachat et certificats verts) à une convergence vers un marché censé être commun, qui sera organisé autour de prix de marché assortis de primes de rachats. Une période de transition s’ouvrira au 1er Janvier 2016 jusqu’au 1er Janvier 2017 pour parvenir à la convergence des mécanismes de rémunération. A partir de cette date, un système d’appel d’offre, que les Etats membres devront développer, permettra de privilégier certaines filières en fonction de la nécessité de diversifier le mix énergétique, de renforcer la sécurité des réseaux ou de limiter les coûts d’intégration sur le réseau. Ces lignes directrices laissent une certaine marge de manœuvre dans la manière dont les mécanismes seront concrètement définis et instaurent des périodes de transition. Les seuils d’éligibilité aux appels d’offre ont néanmoins été définis ex-ante [5].

Les producteurs d’électricité renouvelables seront de facto exposés à une plus grande volatilité de leurs revenus puisque la rémunération sera directement indexée sur les prix de la bourse d’électricité. Ils devraient assumer en parallèle un certain nombre d’obligations en matière d’accès au réseau. Ce texte laisse en outre suffisamment de marge de manœuvre aux Etats comme la France, l’Allemagne et l’Angleterre qui souhaitent rémunérer la mise à disposition de centrales fossiles (marchés de capacités), notamment pour faire face aux aléas de demande de pointe. Mais, selon la Commission, ils devront avoir préalablement envisagé d’autres options d’investissements dans les interconnexions transfrontalières ou dans l’ajustement de la demande (" demand side management ").

Concernant les exonérations du financement des énergies renouvelables, la position adoptée par la Commission vise à protéger les acquis des industriels " électro intensifs " allemands. Pour être conformes à la législation européenne, les grands industriels des secteurs éligibles (acier, aluminium, engrais, plastique entre autres) devront renoncer à une partie des exonérations de surcharge dont ils bénéficiaient [6], mais, cette exonération sera plafonnée [7] pour ne pas remettre en cause leur compétitivité ainsi que les bassins d’emplois. En contrepartie, les consommateurs particuliers et les petites entreprises continueront de supporter le financement des renouvelables, inscrit au programme de la transition énergétique.

En matière d’électricité, d’autres initiatives importantes sont envisagées, comme le cas des réseaux intelligents. La Commission considère que si la législation européenne d’accès au réseau (tarifs d’accès) ne permet pas de rentabiliser ces nouvelles technologies, une aide d’état pourra être reconnue conforme.

_________________________

[1] Communication de la Commission européenne - Réaliser le marché intérieur de l’électricité et tirer le meilleur parti de l’intervention publique - C(2013) 7243 Final.
[2] Communication de la Commission européenne - Pour un bon fonctionnement du marché intérieur de l’énergie - COM(2012) 663 final.
[3]La législation européenne s’appuie sur le principe général d’incompatibilité des aides d’état avec le marché intérieur (article 107_1 du TFUE), mais, distingue des régimes de comptabilité (article 107_2 et 107_3 du TFUE).
[4] COM(2014) - 2322.
[5] 1 MW sauf pour l’éolien à 6 MW ou 6 installations.
[6] Note IFRI - " Le tournant énergétique allemand : année N + 2 " - Michel Cruciani- Juillet 2013, p42.
[7] A hauteur de 85% du coût du financement des renouvelables si ils sont rattachés à un secteur éligible ou si l’intensité électrique (coûts électricité / valeur ajoutée) dépasse 20% dans un secteur exposé aux échanges internationaux. Des exemptions sont prévues pour limiter l’impact sur la valeur ajoutée.

 

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Aurélie FAURE SCHUYER

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Anciennement Chercheur au Centre Énergie, bureau Ifri Bruxelles de 2014 à 2016

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Énergie et Climat
Centre énergie et climat
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Le Centre énergie et climat de l’Ifri mène des activités et recherches sur les enjeux géopolitiques et géoéconomiques des transitions énergétiques. Il travaille à la fois sur les enjeux de sécurité énergétique, de compétitivité, de maîtrise des chaînes de valeur, et d'acceptabilité. Spécialisé dans l’étude des politiques européennes de l’énergie et du climat, et des marchés de l’énergie en Europe et dans le monde, ses travaux portent aussi sur les stratégies énergétiques et climatiques des grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. Il offre une expertise reconnue, enrichie de collaborations internationales et d'événements à Paris et à Bruxelles, notamment.

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