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La France et la Convention : entre les intérêts nationaux et une vision européenne

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Cette analyse présente les positions françaises sur la Convention européenne, et le débat que celle-ci suscite en France. Elle s'inscrit dans les activités du réseau EPIN du CEPS, auquel est associé l'Ifri.

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La France s’est impliquée très tôt dans le processus constitutionnel européen. Dès juin 2000, Jacques Chirac, dans son discours devant le Bundestag à Berlin, apportait son soutien à l’idée d’une "Constitution européenne", proposée le mois précédent par Joschka Fischer. La France aborde le processus de la Convention européenne avec le souci de renforcer l’intégration européenne dans la perspective de l’élargissement, mais aussi de préserver son originalité et ses ambitions propres ("Faire l’Europe sans défaire la France", a dit Lionel Jospin dans un discours en mai 2001).

Dès lors, la vision française de la Constitution européenne se démarque de la vision de l’Allemagne (notamment celle des Länder) qui viserait à "parlementariser" les institutions européennes et à établir une répartition étanche des compétences entre les échelons européen, national et régional. Pierre Moscovici, représentant français à la Convention jusqu’en novembre 2002, s’est plusieurs fois élevé contre une transposition du modèle fédéral à l’allemande. Le président Jacques Chirac a quant à lui soutenu l’idée (d’inspiration intergouvernementale) d’une présidence du Conseil européen afin de mieux représenter l’Union sur la scène internationale et d’assurer une plus grande continuité des travaux du Conseil européen". Les positions françaises ne constituent bien sûr pas un bloc monolithique.

1. Sur le plan des institutions, des solutions très diverses ont été proposées. Pierre Lequiller, représentant de l’Assemblée nationale à la Convention, a suggéré par exemple une présidence unique du Conseil européen et de la Commission. Robert Badinter, représentant adjoint du Sénat à la Convention, a suggéré un système original combinant un "président de l’Union" proposé à l’élection du Parlement par le Conseil européen, et un "Premier ministre de l’Union" désigné par le Conseil européen et investi par le Parlement, qui dirigerait à la fois le Conseil des ministres (devenu véritable gouvernement, et composé de représentants permanents des gouvernements nationaux à Bruxelles) et la Commission (devenue organe administratif).

Les Français sont par ailleurs attachés au renforcement du rôle des parlements nationaux dans la construction européenne, en particulier pour le contrôle du principe de subsidiarité des compétences. C’est dans cette optique que doit être appréciée la proposition de Valéry Giscard d’Estaing de créer un "congrès" réunissant des membres du Parlement européen et des parlements nationaux".

Si la France est favorable au renforcement des prérogatives du Parlement européen à travers la procédure de "codécision", elle ne souhaite pas que celle-ci s’applique au domaine de la politique agricole commune, car ses intérêts propres pourraient être attaqués.

2. Sur le plan de la répartition des compétences, le consensus va vers un maintien des compétences actuelles au sein de l’Union européenne. De façon presque unanime, la France souhaite un renforcement de la coordination des politiques économiques à l’échelon européen. La gauche, par la voix notamment de Pervenche Bérès (députée européenne et membre de la Convention), a plaidé pour une approche plus ambitieuse de l’Europe sociale. Certains, comme Alain Lamassoure (député européen, membre de la Convention) ont défendu une approche très fédéraliste, y compris sur la politique étrangère. Inversement, les "souverainistes" déplorent l’abdication de la souveraineté nationale devant le processus d’intégration européenne.

3. La volonté de relancer le moteur franco-allemand a abouti à des initiatives communes des deux gouvernements, d’abord sur une union de sécurité et de défense (novembre 2002), puis sur la coopération en matière d’affaires intérieures et de justice, sur la gouvernance économique, et enfin sur l’ensemble du volet institutionnel (15 janvier 2003). Ces textes constituent un compromis entre l’approche allemande et l’approche française, au départ antagonistes. 

L’Allemagne s’est ralliée aux idées, soutenues par la France, d’un président du Conseil européen et d’une association des parlements nationaux au contrôle de la "subsidiarité" des compétences. La France s’est ralliée à l’idée que le président de la Commission européenne soit élu par le Parlement européen, et que le vote sur les questions de politique étrangère et de sécurité commune ait lieu à la majorité qualifiée, et non plus à l’unanimité. Les deux pays sont en revanche d’accord pour maintenir un traitement distinct des questions de sécurité et de défense, où le principe de l’unanimité devrait être maintenu et où le recours au système des « coopérations renforcées » pourrait être développé.

En matière d’affaires intérieures et de justice, les deux pays ont appelé à la création d’un parquet européen et d’une police européenne pour le contrôle des frontières, mais la volonté commune de mettre fin à l’éclatement de ce domaine entre le pilier communautaire et le "troisième pilier" intergouvernemental est contredite par le souhait réaffirmé par la France de maintenir l’unanimité dans la coopération policière et les affaires pénales.

Au total, la Convention suscite sans doute en France une certaine mobilisation dans l’opinion et dans les medias, mais ses enjeux ne sont pas toujours clairement perçus. L’élargissement à l’Est suscite des doutes et des interrogations. La France cherche à défendre ses intérêts immédiats sans avoir une vision très claire de l’avenir de l’Europe.

 

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La France et la Convention : entre les intérêts nationaux et une vision européenne, de L'Ifri par
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