Les conséquences de la crise en Chine: politique intérieure et stratégie internationale

Compte rendu réalisé par Charlotte Teisseire, stagiaire, Ifri Bruxelles.
« Avant de sauver le monde, la Chine doit se sauver elle-même » Conséquences économiques, sociales et politiques, impacts sur la marche de manœuvre à l’internationale, autant de bouleversements provoqués par la crise face auxquels la Chine doit faire front aujourd’hui.
Son image ne doit surtout pas se ternir, il lui faut préserver son succès en tant que modèle de développement. Sa capacité à gérer des catastrophes naturelles, sa performance en termes d’organisation de Jeux Olympiques, ses prouesses spatiales l’ont dernièrement dotée d’une profonde confiance en elle. Malgré les sévices de la crise, notamment dans les secteurs les plus dynamiques, il est désormais essentiel pour la légitimation du pouvoir de Pékin de conserver cette figure de puissance et de la véhiculer.
ETAT DES LIEUX
Forte d’un système bancaire puissant et stable, la Chine n’a pas tellement été touchée par la crise dite « financière ». Néanmoins, c’est tout un vaste système d’exportations, notamment vers l’UE et les Etats-Unis que le pays voit s’effondrer. Cette chute vertigineuse et ses conséquences imposent aujourd’hui à la Chine de revoir l’orientation de son modèle de développement.
Les secteurs les plus dynamiques tels que l’industrie textile ou le marché du jouet sont les premières victimes. Ces secteurs totalement sinistrés participent à la mise en évidence des faiblesses du modèle chinois, se prétendant pourtant infaillible. Ils prouvent que le marché intérieur, bien qu’existant, est resté extrêmement limité. Première bénéficiaire de la globalisation lors de son entrée dans l’OMC, il apparait en effet que la Chine se soit focalisée sur le marché extérieur laissant en marge l’intérieur.
L’inquiétude des dirigeants est croissante, proportionnellement à la baisse qu’annoncent les chiffres : 2007 a connu une croissance de 13%, celle de 2008 atteint à peine 9%, quant aux prévisions de 2009, un petit 6.1% devrait se confirmer. Stabilité sociale et croissance sont devenues aujourd’hui les priorités majeures du gouvernement chinois.
Stabilité sociale en effet, car la crise a renforcé les inégalités. Les plus pauvres, les migrants illégaux, les classes moyennes (dont les étudiants) sont les plus touchés. Les campagnes subissent également, bien davantage que la ville, les effets de la crise : un différentiel de 6 entre les deux suffit pour illustrer le genre d’inégalités sévissant en Chine. La Chine, perçue comme un pays riche, est très pauvre à l’intérieur, c’est en cela que réside tout le paradoxe chinois.
D’autres chiffres sont significatifs dans cette crise sociale :
- 26 millions, il s’agit du nombre de chômeurs dans la population migrante (70 millions serait dit-on un chiffre plus fiable…),
- 3000, voici le montant en dollars du PIB par an et par habitant, un chiffre plaçant la Chine au 104ème rang mondial.
- 2%, soit la part du budget chinois réservé à l’éducation
- 3%, celle consacrée à la santé
- 15%, soit la part de la population à bénéficier d’une couverture sociale.
Ces quelques données prouvent de manière explicite qu’à l’échelle individuelle, la situation chinoise est alarmante.
Les failles et dysfonctionnements, les tensions géographiques et au sein même du pouvoir chinois, révélés ici, renforcent la crise de confiance. Cette crise de confiance latente entre le peuple chinois et ses dirigeants risque de mettre à mal le contrat social « confucéen » (le pouvoir n’est pas contesté pourvu que celui-ci se comporte en bon « empereur »). Le système chinois est caractérisé par une certaine opacité.Néanmoins, la Chine est animée par la volonté de persuader qu’elle va bien, que les investisseurs étrangers doivent continuer à investir là-bas, que les plans de relance sont en cours et se révèlent être très efficaces.
PLAN DE RELANCE
S’élevant à 586 milliards de dollars, le budget consacré au sauvetage représente 3% du PIB. Et les résultats sont là, même s’ils semblent être discutables sur le long terme.
Les principales lignes d’action s’organisent autour de trois axes majeurs : le renforcement des infrastructures rurales et des investissements dans le secteur social, la création d’un marché intérieur tout en abaissant les inégalités, et enfin la relance du crédit pour les PME. Aujourd’hui, les effets sont visibles sous forme de boom local. Quant aux secteurs très dynamiques, ils n’en ressentent que très peu les résultats.
L’impression globale qui ressort de cette relance est que les solutions choisies ne semblent engagées qu’en vue de conséquences à très court terme et qu’elles furent prises afin de donner une image de relance. Il ne reste qu’à espérer une reprise du plan.
SUR LA SCENE INTERNATIONALE
Le gouvernement chinois semble tenté par un repli sur soi. Se sentant menacé dans sa légitimité, le pouvoir a tendance à revenir vers un sentiment nationaliste. Heureusement, cette montée ne va pas très loin mais elle suffit à maintenir les tensions et menaces, renvoyant quasiment une image protectionniste du pays.Valérie Niquet termine son exposé en lançant l’interrogation suivante : Face à toutes ces contraintes nouvelles, la Chine est-elle plus réceptive en termes de normes de sécurité, de normes internationales et également par rapport à une nécessité de changement interne, fait-elle preuve d’une meilleure compréhension, ou bien au contraire ?
Question/Réponse :
- Constat : l’effort maritime et naval de la Chine est réel. Avec les Etats-Unis, comment faut-il envisager les relations : confrontation ou coopération ?
Le budget défini pour les stratégies navales s’élève à 70 milliards de dollars, plaçant la Chine derrière les Etats-Unis mais devant le Japon. Les efforts dans le secteur militaire sont donc indéniables mais les capacités restent limitées, et en cas de conflit réel, la Chine apparaîtrait terriblement vulnérable. Leur volonté cependant de véhiculer l’image d’une grande puissance perdure, son objectif : impressionner l’ennemi.
- Concernant le budget global du pays : 2% seulement vont à l’éducation, 1% à la santé, où passent les 97% restants ?
30% sont consacrés aux travaux publics, 25% aux dépenses administratives. Pour le reste, il faut se reporter au Livre Bleu qui comporte toutes les informations en termes de budget.
- A propos du protectionnisme ?
La Chine est inquiète du protectionnisme des autres, notamment de l’Inde et des Etats-Unis qui représentent de gros marchés pour elle.
- Quels sont les impacts sur le développement technologique et la recherche ainsi que sur les investissements de la Chine à l’étranger ?
Une volonté de développer leur marge et de se ranger sur les mêmes modèles que la Corée ou l’Inde anime le secteur des technologies et de la recherche.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesAccélération de la transition énergétique de l’Inde : le défi de la flexibilité des réseaux au cœur des enjeux
L’Inde augmente rapidement sa capacité en énergies renouvelables (EnR), ajoutant 15 à 20 GW par an, mais l’objectif ambitieux de 500 GW de capacité non fossile d’ici 2030 est menacé si le rythme de déploiement des EnR ne s’accélère pas.
La posture de défense française face aux défis de l'Indo-Pacifique
Le groupe aéronaval (GAN) autour du porte-avions Charles de Gaulle se déploie actuellement dans les eaux de l’Indo-Pacifique. La mission Clémenceau 2025 le conduira dans l’océan Indien et jusqu’en Asie orientale, démontrant la volonté et la capacité de la France de défendre la liberté de navigation et d'accès aux espaces communs.
Le Mexique et le Panama dans la dynamique Indo-Pacifique. Quels enjeux pour la France ?
L’Amérique centrale, théâtre croissant de la rivalité sino-américaine, renferme des enjeux significatifs en termes d’accès à l’espace indopacifique pour la France.
L’Inde en quête d’émancipation économique face à la Chine
En octobre 2024, la rencontre entre le Président chinois Xi Jinping et le Premier ministre indien Narendra Modi a amorcé un réchauffement entre les deux géants asiatiques. La forte dépendance économique de l’Inde vis-à-vis de la Chine a-t-elle joué un rôle dans ce dégel diplomatique ?