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Où la Corée du Nord refait parler d'elle
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Alors que la communauté internationale se focalisait sur l'Iran et ses ambitions nucléaires, la Corée du Nord, qui revendique une capacité nucléaire effective, est allée au bout de ses menaces et à effectué dans la nuit du 5 juillet 2006 sept tirs de missiles, dont celui avorté d'un missile " intercontinental " Taepodong 2, dans la mer du Japon. Il s'agit d'un nouvel acte de rupture de la part du régime nord-coréen. En 1999, en effet, moins d'un an après avoir procédé à un premier test au-dessus du territoire japonais, la Corée du Nord s'était engagée à ne pas procéder à de nouveaux essais. En 2002, alors qu'une nouvelle crise nucléaire battait son plein, c'est au Premier ministre japonais Koizumi, lors de son voyage historique à Pyong Yang, que les dirigeants avaient renouvelé leur promesse.

Le développement des capacités balistiques de la Corée du Nord, et ce choix de la provocation, sont en effet particulièrement inquiétants en raison des ambitions nucléaires revendiquées du régime. La menace balistique nord-coréenne est d'ores et déjà bien réelle pour la Corée du Sud et le Japon, qui se trouvent à portée des missiles Nodong opérationnels depuis le début des années 1990. Ces missiles, comme les Taepodong 1 et 2, peuvent être équipés de têtes nucléaires, mais également de charges conventionnelles suffisantes pour provoquer - quel que soit leur degré de précision - un nombre considérable de victimes et un mouvement de panique dans la population. Résultat d'une stratégie de développement déjà ancienne, la Corée du Nord dispose aujourd'hui d'un arsenal de plusieurs centaines de missiles qui lui ont également servi de monnaie d'échange avec d'autres États qualifiés de " voyous " par les États-Unis, au premier rang desquels l'Iran.

Ces préparatifs interviennent alors que le dialogue à six piloté par Pékin, et censé aboutir à une solution négociée de la question nucléaire, est interrompu depuis le mois de novembre 2005, donnant la mesure de son inefficacité. En effet, si le dialogue - et c'était sans doute le but recherché par Pékin et Pyong Yang - a permis d'apaiser les tensions et de gagner du temps, il n'a abouti à aucune évolution positive de la part de la Corée du Nord.

Face à ces tensions, provoquées par la volonté de Pyong Yang de reprendre la main alors que sa stratégie de chantage nucléaire avait perdu de son efficacité, les appels à la raison puis les dénonciations se sont multipliés selon une gradation qui reflète le positionnement de chacun des acteurs. Les États-Unis, qui interdisent le secret à la Corée du Nord en mobilisant leurs capacités d'observation, ont dénoncé une " provocation " particulièrement grave. Le Japon, qui se trouve en première ligne, après avoir parlé d'un acte d'agression si le missile tiré venait à survoler, comme en 1998, le territoire japonais avec des risques considérables pour la population, a obtenu la convocation en urgence du Conseil de sécurité après les tirs d'essai. Tokyo, dénoncé par Pyong Yang comme un " géant militaire ", ne peut être qu'encouragé à renforcer ses capacités de défense. L'Union européenne, exclue du dialogue à six, condamne et manifeste sa solidarité avec Washington et Tokyo. Même la Corée du Sud, qui poursuivait des pourparlers avec le Nord sur le développement d'une zone économique spéciale à la frontière entre les deux Corée, a condamné Pyong Yang. Face à la stratégie d'escalade du régime nord-coréen, la position de Séoul, qui défend, face aux Etats-Unis, le " droit à l'autodéfense " de Pyong Yang, était de moins en moins tenable et la décision nord-coréenne favorise au contraire un rapprochement avec Washington. Seule la Chine, à son habitude, poursuit sa politique " d'équilibre " et de non-engagement en appelant " l'ensemble des partenaires " au calme et en tardant à dénoncer publiquement la stratégie de son allié nord-coréen. Alors que la Corée du Nord accélérait ses préparatifs de tir, le chef d'État major de l'APL (Armée populaire de Libération) proposait à Pyong Yang un renforcement de la coopération militaire. Pékin joue pourtant là sa crédibilité, mise à mal non seulement par le peu de résultats concrets du dialogue à six sur la Corée du Nord, mais également par la stratégie mise en œuvre en Iran où, tout en appelant Téhéran à la raison, la RPC offre, par ses menaces implicites de veto en cas de vote sur les sanctions à l'ONU, une précieuse marge de manœuvre au régime.

Mais dans le cas de la Corée du Nord, cette marge de manœuvre est de plus en plus réduite. La stratégie du chantage a montré ses limites face à un attentisme américain qui ne cède rien. Ce nouveau tir d'essai, même d'un missile d'une portée théorique de 6 000 km ayant potentiellement la capacité d'atteindre le territoire américain, a mis en évidence la très grande vulnérabilité du régime. Pyong Yang en effet n'a pu compter sur aucun effet de surprise. La stratégie de provocation de la Corée du Nord a contribué à renforcer l'alliance militaire entre Tokyo et Washington. Financièrement, le régime et ses élites sont aux abois depuis que le système financier, qui leur permettait de récolter des fonds, a été pour une large part démantelé. Pyong Yang est donc aujourd'hui, plus encore qu'hier, dépendant de la République populaire de Chine. Cette situation inquiète la Corée du Sud qui craint la mainmise chinoise sur le Nord. Quant à Pékin, c'est toute sa stratégie " d'équilibre " et de maintien de l'ambiguïté qui se trouve aujourd'hui menacée. La décision nord-coréenne aura donc eu au moins le mérite de clarifier les positions de chacun.

 

Valérie Niquet est directeur du Centre Asie Ifri.

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