A propos du débat national sur la transition énergétique : Garder la tête froide
La presse annonce que le rapport final du débat national sur la transition énergétique proposerait comme objectif de diviser par deux la consommation française d'énergie finale d'ici 2050.
Ce n'est pas une bonne idée.
A l'origine, il y a dix ans, les Etats-membres de l'Union Européenne décident de construire une politique de l'énergie, dans le cadre du traité de Lisbonne, autour de trois piliers :
- contribuer par une réduction des émissions de gaz à effet de serre à la lutte contre le changement climatique,
- veiller à limiter la dépendance de notre approvisionnement énergétique de sources extérieures susceptibles de peser sur la liberté de décision de l'Union,
- construire un marché commun de l'énergie, pour que la concurrence améliore la compétitivité tout en laissant à chaque Etat membre, le soin des investissements énergétiques sur son sol.
Le premier pilier est solide, car le changement climatique est un risque pour l'humanité. Encore faut-il que l'Union veille comme les autres continents à ne pas s'infliger des désavantages dissymétriques par rapport à ses concurrents et assume sa part de l'effort mondial sans oublier la baisse de ses pourcentages futurs dans la population et le revenu du globe.
Le deuxième pilier est à interpréter en fonction des circonstances. Actuellement, les sources de combustibles fossiles (pétrole, charbon et gaz) se diversifient et pour aucune d'entre elles, l'Europe n'est à la merci d'une région particulière de la planète.
Quant au troisième pilier, il ne se réfère pas à la concurrence comme un absolu, mais comme un moyen pour aboutir à un approvisionnement à moindre coût pour les consommateurs européens.
Les trois piliers ont donné naissance à trois objectifs baptisés (20/20/20) pour 2020 .
Le premier porte sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre de 1990 à 2020. Il correspond au premier pilier. Sa mise en œuvre soulève des questions à cause de la distribution laxiste des quotas de CO2, à l'origine des effets de la récession économique, de l'absence de prise en compte de la concurrence industrielle mondiale et des choix gouvernementaux en matière de sources primaires d'énergie (il en résulte un prix insignifiant pour la tonne de CO2 émise).
Le deuxième concerne la part des énergies renouvelables dans la production d'énergie primaire. Ces énergies se développent rapidement grâce à vingt-sept systèmes garantissant des prix d'achat supérieurs au prix du marché de gros, d'où des montants de subventions que des gouvernements répercutent sur les consommateurs de manière plus ou moins discriminatoires selon les Etats-membres.
Quant au troisième objectif, celui de l'amélioration de l'efficacité énergétique, il est évident à condition qu'il soit précisé que, dans chaque cas, les dépenses consenties pour économiser l'énergie soient inférieures à la valeur des économies futures d'énergie qu'elles permettent.
Incapable de mesurer en pratique les améliorations d'efficacité, la Commission européenne les a transformées en un montant absolu de baisse de la consommation en millions de tonnes d'équivalent pétrole, ce qui lui a permis de calculer un plafond souhaitable de la consommation en 2020 en s'appuyant sur un scénario de référence. Les malheurs de la conjoncture ont tout brouillé puisque la baisse de la croissance a engendré à la fois une augmentation du chômage et une réduction de la consommation finale d'énergie.
Jusqu'à présent, aucune mention en France d'un objectif de baisse à long terme de la consommation d'énergie finale. Cette idée me paraît la conséquence de deux idées fausses :
- la première est que la consommation de ressources fossiles met en danger la survie de l'humanité,
- la deuxième que l'énergie est si précieuse, que l'économiser est souhaitable, même si les dépenses que nous consacrons à cette effet sont supérieures à la valeur des économies d‘énergie induites.
La première idée résulte d'une conception fausse de l'économie des matières premières. Certes, nul ne conteste que la Terre ait un volume fini et que l'humanité doive se contenter des ressources limitées qu'elle contient, mais l'humanité ne met en œuvre qu'une petite partie de ces ressources en fonction de la demande et des technologies dont elle dispose. Des substitutions se produisent constamment entre les biens disponibles en fonction des prix qui résultent de l'offre et de la demande. La réalité ne correspond pas à la vision naïve du réservoir que l'on vide. La substitution du charbon au bois dans certains pays du tiers-monde et l'apparition du gaz et du pétrole de schiste en sont des exemples. Quant à la consommation de carburant des véhicules par kilomètre, elle diminue rapidement.
La seconde idée provient d'une méconnaissance totale du rôle des prix qui influence toute la structure économique. Cette idée ne tient pas compte que les sommes qui seraient dépensées pour économiser l'énergie auraient pu être utilisées à développer d'autres ressources rares ou à des investissements en matière d'agriculture, d'industrie et d'éducation. C'est aussi par des prix convenables que pourra s'organiser une utilisation cohérente des énergies renouvelables. Certes, il faut parfois corriger les prix qui résultent de marchés imparfaits, mais le faire à des décennies de distance et d'une manière aussi globale, risque de nuire au bien-être de nos descendants.
Comment ne pas souhaiter que les rédacteurs du rapport du DNTE abandonnent un objectif dont les conséquences négatives peuvent rapidement apparaître.
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