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Rencontre Biden-Xi à San Francisco : des avancées positives mais fragiles

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Les attentes étaient modestes, elles ont été atteintes. Les présidents américains et chinois, Joe Biden et Xi Jinping, se sont rencontrés mercredi en marge du forum de l’Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC) à San Francisco.

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Rencontre entre le président des États-Unis Joe Biden et le président de la République populaire de Chine Xi Jinping, San Francisco, novembre 2023
Rencontre entre le président des États-Unis Joe Biden et le président de la République populaire de Chine Xi Jinping, San Francisco, novembre 2023
© Bureau du président des États-Unis
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Dans le contexte d’exacerbation des tensions et de compétition stratégique que se livrent les deux premières puissances économiques mondiales, ces trop rares sommets focalisent l’attention et suscitent l’espoir d’un apaisement.

Un contexte bilatéral sous hautes tensions

La dernière entrevue entre les deux chefs d’États a eu lieu il y a un an exactement, en marge du sommet du G20 à Bali. À l’époque, les deux parties avaient envoyé le signal d’une volonté partagée de reprise et d’approfondissement du dialogue. Joe Biden avait à ce titre annoncé la visite à venir de son secrétaire d’État, Antony Blinken, à Pékin. L’espoir d’un réchauffement n’a pas fait long feu puisque, fin janvier 2023, l’affaire du ballon espion chinois ayant survolé le territoire américain avant d’être abattu par un F-22 a provoqué une double crise, internationale avec la Chine et intérieure aux États-Unis. La visite de Blinken a ainsi été suspendue et le dialogue interrompu. Au printemps, les États-Unis ont entamé des efforts diplomatiques pour renouer avec Pékin, d’abord relativement discrètement et à un niveau peu élevé (directeur de la CIA en mai, représentants du Conseil de sécurité national et du département d’État en juin). Puis, Washington a envoyé des officiels de premiers plans à partir de l’été : Antony Blinken, la secrétaire au Trésor Janet Yellen, le représentant pour le Climat John Kerry, la secrétaire au Commerce Gina Raimondo, ainsi qu’une délégation du Congrès et la visite du gouverneur de Californie, Gavin Newsom. Dans le sens inverse, on ne compte qu’une seule visite chinoise aux États-Unis, celle du ministre des Affaires étrangères Wang Yi en octobre, pour préparer la venue de Xi à San Francisco.

La volonté de renouer était donc manifeste du côté américain, moins évidente du côté chinois, comme en témoignent certains communiqués officiels. À l’occasion de sa visite à Pékin en juin, Antony Blinken a rencontré son homologue Qin Gang (depuis destitué), le diplomate en chef Wang Yi et enfin Xi Jinping, qui a ménagé le suspens d’une entrevue jusqu’à la dernière minute. Accueil glacial, poignées de mains dépourvues de sourire, les communiqués chinois soulignaient que « la relation Chine/États-Unis [était] à son plus bas niveau depuis son établissement » en 1979[i]. « La cause profonde réside dans les perceptions erronées des États-Unis à l’égard de la Chine, qui ont conduit à des politiques chinoises malavisées.[ii] » Pour Pékin, il revenait alors aux « États-Unis de réfléchir sur eux-mêmes[iii] » afin d’améliorer la relation.

Des avancées concrètes

Dans ce contexte tendu, les résultats, même modestes, de la rencontre Biden/Xi sont à saluer. Tout d’abord, le ton de la partie chinoise s’est fait beaucoup plus clément qu’au cours des mois précédents. Le président Xi a insisté sur la nécessité de la coopération et les conséquences incommensurables d’un conflit. Il a aussi affirmé que la Chine ne cherchait pas à remplacer ou à surpasser les États-Unis. Cela semble toutefois trancher avec les ambitions habituellement présentées par le président Xi, dans le cadre de son « rêve chinois de renaissance de la nation », visant à hisser la Chine au premier rang mondial à l’horizon 2049[iv].

Xi Jinping a engagé Joe Biden à réaffirmer ses engagements de novembre 2022 à Bali : ne pas chercher à changer le système chinois, ne pas chercher à revitaliser les alliances contre la Chine, ne pas soutenir « l’indépendance de Taïwan » et ne pas chercher à entrer en conflit avec la Chine[v].

En matière d’avancées concrètes, les Américains ont obtenu deux concessions attendues de longue date. Premièrement, Pékin a accepté d’établir un groupe de travail conjoint sur la lutte contre la fabrication et le trafic de drogue au niveau international, et en particulier le fentanyl. Pour Joe Biden, il s’agit d’un enjeu crucial de politique intérieure. Les overdoses provoquées par le fentanyl et ses substituts sont la première cause de décès chez les 18-49 ans aux États-Unis. Il a été responsable de la mort de plus de 100 000 personnes en 2022[vi]. Une large part de cette drogue est produite en Chine et exportée illégalement vers les États-Unis. C’est pourquoi il était déterminant pour Joe Biden de présenter à l’opinion publique américaine et à l’opposition des résultats sur ce dossier[vii].

Pékin a également accepté de rouvrir les canaux de communication militaire. Ainsi, sont relancés les pourparlers Chine/États-Unis sur la coordination de la politique de défense, ainsi que les réunions sur l'accord de consultation maritime militaire. Les lignes téléphoniques sont également rouvertes entre les deux armées au niveau des théâtres d’opérations.

La reprise des communications militaires est particulièrement importante dans le contexte d’augmentation des activités militaires autour de Taïwan et en mer de Chine méridionale. Le risque d’incident, d’accident ou d’erreur d’interprétation croît proportionnellement à ces activités, il est donc déterminant pour les deux armées de pouvoir communiquer directement et rapidement en cas de crise et de dissiper d’éventuels malentendus.

Par ailleurs, la destitution du ministre chinois de la Défense Li Shangfu, fin octobre, permet d’ouvrir une nouvelle page dans la relation bilatérale de défense au plus haut niveau. En effet, sous le coup de sanctions américaines, Li Shangfu refusait d’échanger avec son homologue tant que celles-ci ne seraient pas levées. La question ne se pose plus désormais, et le successeur de Li n’a pas été désigné à ce jour.

Le flux des investissements directs étrangers vers la Chine est désormais négatif (- 11,8 milliards de dollars au troisième trimestre 2023). Ainsi, il devient critique pour l’économie chinoise de rassurer les investisseurs étrangers.

Côté chinois, la priorité était de rassurer les investisseurs américains sur la stabilité de la relation avec Washington et sur la stabilité de l’économie chinoise, alors que le pays fait face à des difficultés importantes. En effet, la plupart des indicateurs économiques en Chine sont préoccupants : la demande mondiale reste faible, la consommation demeure atone, l’épargne est très élevée tout comme le chômage chez les jeunes, le gigantesque secteur de l’immobilier vacille et, le flux des investissements directs étrangers vers la Chine est désormais négatif (- 11,8 milliards de dollars au troisième trimestre 2023[viii]). Ainsi, il devient critique pour l’économie chinoise de rassurer les investisseurs étrangers. Pour ce faire, Xi Jinping a eu l’opportunité de s’exprimer lors d’un dîner en compagnie des plus grands patrons américains, parmi lesquels Tim Cook (Apple), Elon Musk (Tesla), Larry Fink (BlackRock), Steve Scharzman (Blackstone), Hock Tan (Broadcom) ou encore Albert Bourla (Pfizer).

Enfin, les deux parties ont annoncé un dialogue à venir sur l’intelligence artificielle et se sont félicités des discussions bilatérales en cours sur la coopération en matière de lutte contre le changement climatique et du soutien commun au succès de la COP 28, organisée à Dubaï fin novembre.

Cerise sur le gâteau, Xi Jinping a laissé entendre le retour de pandas géants aux États-Unis, après le retour polémique de trois pandas vers la Chine plus tôt ce mois-ci.

Une relation qui demeurera instable

La rencontre de San Francisco est à de nombreux égards plus significative encore que celle de Bali en novembre 2022. D’une part, elle a été plus longue, plus substantielle et s’est déroulée sur le sol américain. D’autre part, on peut saluer des avancées concrètes. Le rétablissement des communications militaires est non seulement une avancée bilatérale, mais c’est aussi une nouvelle bienvenue pour les pays de la région et pour les Européens, car la paix et la stabilité en Asie de l’Est sont l’affaire de tous.

Le rétablissement des communications militaires est non seulement une avancée bilatérale, mais c’est aussi une nouvelle bienvenue pour les pays de la région et pour les Européens, car la paix et la stabilité en Asie de l’Est sont l’affaire de tous.

Toutefois, ce rayon de soleil sur la relation sino-américaine ne signifie pas nécessairement l’amorce d’un réchauffement durable. Nombre de sujets de tensions restent sans solution à horizon prévisible, au premier rang desquels la rivalité technologique. Les restrictions américaines à l’encontre de la Chine sur les exportations et les investissements dans les domaines technologiques ont été placés sous le sceau de la sécurité nationale. Aucun compromis n’est à attendre de la part de Washington sur ce dossier, y compris dans l’hypothèse du retour d’une administration républicaine en 2025. La Chine considère pour sa part ces mesures comme inacceptables et dictées par une volonté d’entraver son développement.

Ce rayon de soleil sur la relation sino-américaine ne signifie pas nécessairement l’amorce d’un réchauffement durable.

La question de Taïwan demeure un sujet inflammable. Chacun campe sur ses positions alors que la société taïwanaise poursuit son chemin démocratique au milieu de la rivalité entre les deux géants. L’élection présidentielle de janvier 2024 sur l’île donnera le ton des relations Chine/Taïwan/États-Unis pour les quatre années à venir.

Enfin, la relation sino-américaine n’est jamais à l’abri d’une crise inattendue, provoquée par un élément perturbateur exogène aux deux parties, voire endogène… À ce titre, la déclaration du président Biden qualifiant son homologue de dictateur quelques heures après l’échange aurait pu réduire à néant un an d’efforts diplomatiques et les résultats tout juste annoncés. La Chine a certes protesté mais de manière mesurée, privilégiant, avec sagesse, la tactique de la sourde oreille pour ne pas menacer de fragiles acquis.

 

i]. « Qin Gang Holds Talks with U.S. Secretary of State Antony Blinken », ministère chinois des Affaires étrangères, 18 juin 2023, disponible sur : www.fmprc.gov.cn.

[ii]. « Wang Yi Meets with U.S. Secretary of State Antony Blinken », ministère chinois des Affaires étrangères, 18 juin 2023, disponible sur : www.mfa.gov.cn.

[iii]. Ibid.

[iv]. « Xi Jinping et le président américain Joe Biden ont tenu une réunion présidentielle sino-américaine » (习近平同美国总统拜登举行中美元首会晤), gouvernement central de la RPC, 16 novembre 2023, disponible sur : www.gov.cn.

[v]. Ibid.

[vi]. « Justice Department Announces Eight Indictments Against China-Based Chemical Manufacturing Companies and Employees », U.S. Department of Justice, 3 octobre 2023, disponible sur : www.justice.gov.

[vii]. « Readout of President Joe Biden’s Meeting with President Xi Jinping of the People’s Republic of China », Maison-Blanche, 15 novembre 2023, disponible sur : www.whitehouse.gov.

[viii]. « Foreign Investment in China Turns Negative for First Time », Nikkei Asia, 4 novembre 2023, disponible sur : https://asia.nikkei.com.

 

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979-10-373-0782-8

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Marc JULIENNE

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L’Asie est le théâtre d’enjeux multiples, économiques, politiques et de sécurité. Le Centre Asie de l'Ifri vise à éclairer ces réalités et aider à la prise de décision par des recherches approfondies et le développement d’une plateforme de dialogue permanent autour de ces enjeux.

Le Centre Asie structure sa recherche autour de deux grands axes : les relations des grandes puissances asiatiques avec le reste du monde et les dynamiques internes des économies et sociétés asiatiques. Les activités du Centre se concentrent sur la Chine, le Japon, l'Inde, Taïwan et l'Indo-Pacifique, mais couvrent également l'Asie du Sud-Est, la péninsule coréenne et l'Océanie.

Le Centre Asie entretient des relations institutionnelles suivies avec des instituts de recherche homologues en Europe et en Asie et ses chercheurs effectuent régulièrement des terrains dans la région.

Il organise à Paris tables-rondes fermées, séminaires d’experts, ainsi que divers événements publics, dont sa Conférence annuelle, avec la participation d’experts d’Asie, d’Europe ou des Etats-Unis. Les travaux des chercheurs du Centre et de leurs partenaires étrangers sont notamment publiés dans la collection électronique Asie.Visions.

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Rencontre entre le président des États-Unis Joe Biden et le président de la République populaire de Chine Xi Jinping, San Francisco, novembre 2023
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